La lyre dans l'Égypte antique


La première représentation de lyre, toutes catégories organologiques confondues, apparaît dans la tombe de Khnoumhotep II à Beni Hassan. Elle date du règne du pharaon Sésostris II, vers 1897-1878 AEC. Elle exista probablement bien avant sous cette forme ou une autre, mais aucune trace tangible ne l'atteste. Elle n'est pas une invention égyptienne mais a été introduite par des populations exogènes. Trois types de lyre se sont côtoyés ou se sont succédés sur le sol égyptien et l'une d'elles, la lyre symétrique simsimiya, perdure, témoin de l'histoire musicale de l'une des plus grandes civilisations du monde.

Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2022-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 2 octobre 2024.


SOMMAIRE

Généralités

Origines de la lyre égyptienne

. La lyre dans l'Égypte antique

. La lyre des Aamu de Shu

La lyre asymétrique

. À travers les instruments retrouvés en fouilles

. À travers l'iconographie

La lyre semi-symétrique

. À travers les instruments retrouvés en fouilles

. À travers l'iconographie

La lyre symétrique



Généralités

La lyre égyptienne, ou plus exactement les lyres égyptiennes, puisqu'il en existe trois typologies organologiques distinctes, a une longue histoire. La plus ancien instrument connu a été découvert hors d'Égypte, à Ur en Mésopotamie. Il est daté de 2 800 AEC. L'appellation “lyre égyptienne” est en quelque sorte un abus de langage puisque cet instrument ne serait pas une invention égyptienne, mais une adoption.

La plus ancienne représentation en Égypte est la lyre des Aamu de Shu, datée du Moyen Empire et représentée dans la tombe de Khnoumhotep II sur le site de Beni Hassan. Contrairement à ce qu'indique généralement la littérature, il ne s'agit pas d'une lyre asymétrique.

Les premières lyres asymétriques sont essentiellement représentées dans les tombes de Thèbes ouest et, à ce jour, six instruments antiques ont été retrouvés en fouilles. Ils sont datés de la fin de la XVIIe dynastie jusque, a minima, le règne du pharaon Thoutmosis III (†1425 AEC). L'iconographie indique en revanche une utilisation jusqu'à la période amarnienne (1353–1336 AEC).

Plus tardivement, on trouve la lyre semi-symétrique au cours de la XIXe dynastie dans les tombes de Thèbes ouest. Deux instruments entiers ainsi que des fragments ont été découverts en fouilles.

Enfin, vient la lyre symétrique à la dynastie lagide.


Origines de la lyre égyptienne

La lyre dans l'Égypte antique, par Tarek Khalifa

 

Date : Juillet 2009. Durée : 08:03. © Éditions Lugdivine, P. Kersalé 2009-2024.

Tarek Khalifa est musicologue, spécialiste de la musique de l’Égypte pharaonique. Il évoque l’histoire spatio-temporelle de la lyre de l’antiquité mésopotamienne à nos jours.

 


La séquence pas-à-pas

Commentaires d’après l’interview de Tarek Khalifa.

 

00:29 - Les origines mésopotamiennes de la lyre. La lyre est le seul instrument qui ait autant voyagé et évolué au cours de l’histoire. La plus ancienne a été retrouvée à Ur en Mésopotamie. Elle est datée de 2 800 AEC.

01:51 - L’arrivée de la lyre en Égypte. La lyre arrive en Égypte environ 2 000 ans avant notre ère avec des hommes, Asiatiques ou Hébreux, qui la nomment kînnor. Les Égyptiens l’appelleront kniniwr. Cette lyre, dès lors jouée par des femmes, est dédiée à la vénération du dieu Amon. Les hommes en jouent un autre modèle lors du Nouvel An et au moment de la sortie de la barque de la statue d’Amon. Plus tard, les Coptes joueront eux aussi la lyre adoptée des rites anciens dans le cadre du culte chrétien.

Quatre musiciens hittites avec lyres et tambours sur cadre. VIIIe s. AEC. Palais du roi Barrakup Sinjurli/Samal. Istanbul. © Patrick Kersalé 1988-2024.
Quatre musiciens hittites avec lyres et tambours sur cadre. VIIIe s. AEC. Palais du roi Barrakup Sinjurli/Samal. Istanbul. © Patrick Kersalé 1988-2024.

04:21 - La lyre, de l’exode à nos jours. Évocation de l’exode autour du premier millénaire avant notre ère. Les Bédouins emportent avec eux la connaissance de la lyre jusqu’en Terre Sainte puis vers la Mésopotamie. Retour à la case départ ! Puis la lyre dite “d’Alexandrie” partira en Grèce puis en Europe. Les Nubiens continuent, aujourd’hui encore, à jouer la lyre comme on jouait voici 2 000 ans. Ces mêmes Nubiens, à l’époque du creusement du Canal de Suez, virent sur le chantier avec leur lyre. Les gens du nord l’apprécient et l’adoptent. Ils la dénomment simsimiyya, du nom d’une confiserie orientale. Elle est alors transformée pour permettre le jeu de la musique orientale.

 

À propos de kniniwr

Le terme kniniwr, qui nomme la lyre égyptienne, n'a pas disparu, de même que le concept instrumental qu'il désigne… ou presque. GeoZik a travaillé durant près d'une décennie dans le petit royaume gan du Burkina Faso. Il y a là une harpe fourchue, le koninyã (prononcer koninian). On reconnaîtra que les termes kniniwr et koninyã sont trop proches pour être étrangers. Par ailleurs, nous pensons que le royaume Gan pourrait être une émanation du Royaume de Koush gouverné par les pharaons noirs. La lyre jouée par Tarek Khalifa comporte des cordes d'acier, à l'instar de la simsimiyya de la Mer rouge. Or, dans l'Égypte antique, cette technologie était inconnue. Par conséquent, la lyre était moins sonore que ce que propose la vidéo. Des cordes de boyau équipaient les instruments. Dans le royaume Gan, le koninyã comporte des cordes de cuir, parfois même avec un nœud en plein milieu lorsque la corde s'est cassée et à été réparée à la hâte. Dans tous les cas, l'instrument fonctionne. Il ne s'agit pas d'un instrument mélodique, mais mélodico-rythmique, accompagnant ou auto-accompagnant le chant. Sa fonction est triple :

  • elle accompagne agréablement le chant
  • elle comble les silences lorsque le chanteur repose sa voix ou réfléchit à la suite à donner à son propos
  • elle assure une continuité rythmique pour les danseurs.

Cette expérience et ces remarques posent bien entendu la question, par-delà la continuité d'un instrument qui a conservé un nom et une fonction sociale, de la permanence éventuelle de son mode de jeu…

 

La lyre des Aamu de Shu

Le site funéraire de Beni Hassan compte trente-neuf tombes rupestres du Moyen Empire creusées dans les falaises de la rive orientale du Nil. Dans la tombe de Khnoumhotep II, on peut voir la plus ancienne représentation de lyre de l'Égypte antique. Elle est aux mains d'un musicien non égyptien marchant en compagnie de sept hommes, quatre femmes, trois enfants et deux ânes. Ces étrangers sont dénommés Aamu de Shu dans les inscriptions de la tombe. La procession occupe le troisième registre du mur nord de la tombe ; elle avance en direction de la grande figure de Khnoumhotep II, précédée de deux officiels égyptiens. Les deux premiers étrangers sont seuls, tenant des animaux. Ils se distinguent des Égyptiens par leurs vêtements, leurs sandales et leurs coiffures, par les objets qu'ils apportent avec eux. 

 

Cette scène est unique dans le répertoire de l'art funéraire égyptien. Sa nature inhabituelle et l'apparente précision de ses détails la rendent très probablement représentative d'un événement spécifique, ou du moins y fait allusion.

Selon Janice Kamrin[1], s'appuyant sur un large corpus de recherches, écrit (original en anglais) : « La majeure partie de l'opinion savante placerait la terre natale des Aamu de Shu dans le sud du Levant, plus précisément quelque part dans la région juste à l'est du Jourdain et de la mer Morte. Cependant, la possibilité que ces Aamu viennent du Sinaï ou du désert oriental ne peut toujours pas être écartée, car les preuves reliant Shu(tu) à la région de la Transjordanie sont légères. Quoi qu'il en soit, ces étrangers n'étaient certainement pas égyptiens ; qu'ils vivent à ce moment-là dans le désert oriental ou plus loin au nord ou à l'est, c'est en général à la culture matérielle du Levant à l'époque de transition entre l'Âge du bronze ancien et l'Âge du bronze moyen que les détails de cette scène doivent être comparés. »

 

Cette scène apporte, pour la première fois dans l'histoire de l'Égypte pharaonique, une représentation de lyre. Si la littérature égyptologique la qualifie parfois de lyre asymétrique, elle n'en présente aucune caractéristique tangible. Selon nous, l'artiste qui a réalisé cette fresque avait un sens aigu de l'observation. En effet, concernant les instruments de musique et leur jeu, on constate, à travers le monde, nombres d'approximations quant à l'organologie et au mode de jeu. Or ici, l'artiste a clairement vu jouer la lyre puisqu'il a représenté à la fois le jeu avec un plectre à main droite et un appui sur les cordes avec les doigts de la main gauche, une pratique qui a survécu jusqu'à nos jours sur la lyre simsimiya. Cette technique est adaptée à l'accompagnement du chant. L'iconographie n'offre aucun indice quant à la fonction de chanteur du personnage puisqu'il est montré bouche fermée. Il fait peu de doute que cet homme chantait en s'accompagnant de sa lyre car compte tenu de la technique de jeu apparente, on ne peut imaginer qu'il puisse simplement gratter les cordes au fil des kilomètres. Les traversées du désert sont longues et le chant est une bonne manière de rompre la monotonie de la marche. Nombreux sont les exemples de chants de bédouins, de chevriers, de chameliers de la bande désertique allant du Thar en Inde jusqu'à l'Atlantique. Les ânes ont été remplacés par les voitures et les chanteurs à la lyre par les autoradios ! Si nous devions émettre une réserve, elle concernerait le cordage de l'instrument vu par l'artiste. Le faisceau de cordes, au départ de la base de la caisse de résonance, est plus large que sur le joug, une situation impossible dans la réalité. Selon le peintre, le musicien aurait contraint les cordes supérieures avec son pouce gauche en en faisant glisser l'attache au niveau du joug.

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[1] Karim, Janice. The Aamu of Shu in the Tomb of Khnumhotep II at Beni Hassan, in Journal of Ancient Egyptian Interconnections.


La lyre asymétrique

La lyre asymétrique nous est connue grâce aux instruments retrouvés en fouilles dans les tombes thébaines, et à l'iconographie. 

 

À travers les instruments retrouvés en fouilles

 

La lyre asymétrique se caractérise — d'où sa dénomination organologique — par une différence substantielle de la longueur de ses deux bras ; l'un a la forme d'un “5” et l'autre d'un “7”. Elle se différentie également des autres lyres par la forme rectangulaire et la faible épaisseur de sa caisse de résonance ; afin de permettre au son de s'échapper, cette dernière est ouverte à la base. Les cordes étaient accrochés à un crochet métallique situé au centre de la base de la caisse (visible sur la face avant des lyres de notre galerie d'images). Ils supportaient un joug cylindrique rectiligne et incliné sur lequel des colliers tressés maintenaient les cordes et permettaient leur accordage. La hauteur maximum des lyres excavées est de 52 centimètres. Aucun des exemples connus ne porte d'indications de décoration. À ce jour, six lyres asymétriques ont été trouvées en fouilles, une aubaine pour les archéomusicologues ! Quatre sont présentées dans notre galerie d'images. Cinq d'entre elles sont datables. Leurs contextes de découvertes indiquent une utilisation de la fin de la XVIIe dynastie jusque, a minima, règne du pharaon Thoutmosis III (†1425 AEC). L'iconographie indique en revanche une utilisation a minima jusqu'à la période amarnienne (1353–1336 AEC).

Il existe une différence fondamentale entre les représentations iconographiques et les instruments réels, marquée par la position du joug. En effet, pour des raisons probablement esthétiques, les artistes ont représenté le joug parallèle à la caisse de résonance alors que sur les instruments réels, il est de biais. Cette position réelle permettait peut-être d'utiliser des cordes de même diamètre. Ainsi, lorsque l'une d'entre elles cassait, elle pouvait être remplacée grâce à petit stock (boyau torsadé) à portée de main. Dans le désert, les cordes séchaient rapidement et devaient casser fréquemment. On peut imaginer l'action de la chaleur sèche sur un tel instrument joué en plein soleil, comme on peut le voir dans la procession des Aamu de Shu de la tombe de Khnoumhotep II ! Les cordes devaient être enduites d'huile ou de graisse animale pour les préserver. Nous ignorons le nombre exact de cordes dont étaient équipées les lyres asymétriques. Toutefois, deux lyres asymétriques trouvées en fouilles ont conservé quelques anneaux d'accordage attestant un minimum de cinq et un maximum de huit cordes.

Nous ignorons également tout de la technique de jeu. Toutefois, en nous basant à la fois sur l'image la lyre de la tombe de Khnoumhotep II, montrant un plectre à main droite et les doigts de la main gauche appuyant sur les cordes, il est probable que les cordes étaient grattées à manière de celles de la simsimiya contemporaine. On peut également s'interroger sur la forme très particulière de cet instrument avec ses deux bras serpentiformes. Elle semble imiter à la fois la forme de la proue et de la poupe des bateaux égyptiens, et notamment ceux sur lesquels était sensé voyager le défunt dans l'au-delà ; le lien peut d'ailleurs être fait avec les funérailles puisque ce type de lyre était utilisé dans la musique accompagnant les banquets funéraires (mais ce n'est là que pure spéculation). On remarquera également que les instruments retrouvés en fouille sont fabriqués pour un jeu de droitier ; de ce fait, le coude en forme de “5” se trouve en haut en position de jeu. Sur l'iconographie, la lyre est parfois présentée pour un jeu à main gauche, mais nous pensons qu'il faut uniquement y voir un aspect pratique de représentation des musiciens par rapport au sujet principal, à savoir le dédicataire de la musique. On ne peut toutefois exclure qu'un musicien gaucher ait construit ou fait construire un instrument adapté. L'iconographie et l'ethnographie saharienne d'une part, et subsaharienne d'autre part, en témoignent.

 

À travers l'iconographie

Les représentations de lyre asymétrique ne sont pas pléthores dans l'iconographie égyptienne, peut-être parce que cet instrument était joué par des femmes étrangères et que sont usage faisait doublon avec la harpe ?

 

Tombe de Djeserkareseneb

 

Dans la tombe de Djeserkareseneb, également connue sous le diminutif de Djeserka (TT 38), se trouve une femme jouant de la lyre asymétrique aux côtés d'autres musiciennes. Ces musiciennes animent une scène de “banquet” funéraire. À l'extrême gauche se tenait Djeserka, mais son image a presque totalement disparu. Devant les convives, se tiennent huit musiciennes, cinq debout et trois assises. La première joue de la harpe. La suivante est une adolescente dont la partie supérieure du corps a, elle aussi, disparu. Puis vient une joueuse de luth, nue, en dehors de ses bijoux et d'une ceinture de perles autour de la taille. Elle est suivie par une petite fille tout aussi peu vêtue, portant, sur le côté de la tête, la mèche de l'enfance ; elle semble chanter et danser tout en exécutant des frappements corporels. Vient ensuite une joueuse de double hautbois vêtue d'une ample robe transparente, dont le visage et la poitrine ont aussi disparu ; elle tourne la tête vers l'arrière (on le voit sur le dessin de Nina M. Davies) et esquisse elle aussi un pas de danse. La cinquième intervenante joue de la lyre asymétrique ; elle est vêtue comme la première et, comme elle, demeure immobile, pieds joints.

La lyre comporte sept cordes. On remarquera que, par rapport aux instruments véritables retrouvés en fouilles, le joug est parallèle à la caisse de résonance et que cette dernière est carrée est non rectangulaire ; il s'agit peut-être d'un choix esthétique de la part de l'artiste. En revanche, les bras et l'attache des cordes aux deux extrémités sont parfaitement représentés bien que le coude du bras supérieur ait une courbure exagérée, probablement là encore un choix esthétique. Les cordes sont grattées avec un plectre tenu de la main gauche au niveau de la caisse de résonance, tandis que les doigts de la main droite appuient sur certaines cordes.

On remarquera qu'il existe une hiérarchie instrumentale. L'instrument le plus proche de l'image du défunt est considéré comme le plus important dans le schéma de pensée des Égyptiens. Cette importance est à la fois liée à l'histoire musicale du pays, puisque c'est l'instrument le plus anciennement utilisé pour accompagner la voix des chanteurs dans les rituels funéraires, et probablement aussi, celui auquel les Égyptiens était le plus attaché. La lyre, instrument d'origine non égyptienne, est relégué au dernier rang.

À la suite des musiciennes se trouvent trois chanteuses vêtues de grandes robes à celles des joueuses de harpe, double hautbois et lyre. Assises en tailleur sur des nattes, elles frappent dans leurs mains et chantent (d'après le texte de la tombe en hiéroglyphes) : « Un jour heureux. Se rappeler la beauté [d'Amon avec] un cœur joyeux, faire monter sa louange dans les hauteurs du ciel, jusque devant ton visage, chacun proclamant : “Notre souhait est de te voir !” Ainsi fais-tu, le comptable du grain [d'Amon], chaque jour. »

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Scène musicale de la période amarnienne

Bloc de calcaire de la période amarnienne avec quatre joueuses de cordophones, à savoir : une grande harpe naviforme, deux luths à caisse de résonance ovale, une lyre asymétrique. Époque : XVIIIe dynastie, règne d'Akhenaton (c. 1353–1336 AEC). Provenance ; probablement Hermopolis. Source : MMA, La Collection en ligne, 1985.328.12.

 

La lyre comporte six cordes. Seul le bras inférieur est visible. On ne peut en revanche rien dire de particulier du mode de jeu car la position des mains de l'ensemble des musiciennes semble plus artistique que technique.


La lyre semi-symétrique

À travers les instruments retrouvés en fouilles

Le deuxième type de lyre égyptienne ancienne est appelé “lyre semi-symétrique” ; il se distingue nettement de son ancêtre asymétrique. Ici, la caisse de résonance est légèrement trapézoïdale et fermée à la base. Les cordes sont attachées à une petite boîte en bois ouverte, fixée à l'avant de la caisse de résonance. Comme le montre le seul exemple entièrement conservé du Musée de Berlin, les trous étaient percés alternativement plus ou moins haut, créant ainsi deux lignes. Le nombre minimum de cordes varie de huit à treize, à en juger par les lyres dont certains colliers ont été conservés et par le nombre de trous de fixation de l'exemplaire complet du Musée de Berlin. La position du joug, légèrement oblique par rapport à la boîte de fixation des cordes, permettait probablement d'utiliser des cordes de même diamètre, ou tout du moins d'en réduire le nombre afin de remplacer au pied levé une corde cassée. Les bras sont droits et surmontés de décors de papyrus, de têtes de cheval, de canard ou de gazelle. En plus de celle déjà mentionnée sur les bras, les extrémités du joug sont ornées de têtes d'animaux, de décors végétaux et géométriques. Une autre caractéristique distingue cet instrument de la lyre asymétrique : sa taille. Des exemplaires trouvés en fouilles offrent des hauteurs de 62 à 73 centimètres.

 

 

À ce jour, quatre exemplaires complets de lyres semi-symétriques sont parvenus jusqu'à nous. Quelques fragments appartenant à d'autres instruments ont également été trouvés, ce qui porte leur nombre à six, soit la même quantité que pour la lyre asymétrique. En revanche, aucun des instruments ou fragments existants ne peut être daté avec certitude ; aussi leur positionnement chronologique dépend-il entièrement de l'iconographique. La lyre semi-symétrique est, pour l'heure, attestée sur une période plus longue que la lyre asymétrique, soit du Nouvel Empire à la dynastie lagide. Le lien chronologique entre ces deux types d'instruments n'est pas clair ; seule une étude iconographique détaillée pourrait éclaircir ce mystère.

 

À travers l'iconographie

Tombe de Nakhtamon

Les représentations de lyres semi-symétriques ne sont pas légion, comparativement, par exemple, aux harpes et aux luths.

 

 

La deuxième chambre de la tombe thébaine de Nakhtamon (TT 341) donne à voir deux musiciennes jouant lors de la fête dite de Nehebkaou. L'image de la harpiste est bien conservée tandis que la lyrode est quasiment effacée. Grâce au relevé de Davies, nous découvrons une joueuse de lyre semi-symétrique dont la nudité n'est masquée que par son instrument, orné de têtes de gazelles. On notera que sur ses cuisses sont tatouées deux représentations du dieu Bès.

 

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Autres

L'ostracon ci-contre montre une joueuse de lyre semi-symétrique avec deux décors zoomorphes : un bouquetin et un canard.


La lyre symétrique

 

La lyre symétrique ne nous est connue que par l'iconographie. Dans notre galerie d'image, on peut en voir une de petite taille aux mains du dieu Bès. Mais les plus étonnantes de ces lyres sont celles figurées dans le temple d'Hathor, sur l'île de Philae, et celle de la période amarnienne jouée par deux musiciens. Elles sont si grandes qu'elles repose sur un support. Concernant celle jouée par deux musiciens, nous ignorons s'il s'agit d'une réalité ou si, comme pour les grandes harpes de l'hypogée de Ramsès III, d'une fantaisie visant à servir l'égo du commanditaire. En tout état de cause, une telle lyre ne peut fonctionner qu'avec un système de harpions car les cordes sont trop longues pour avoir à elles seules une quelconque efficacité acoustique. Pour en comprendre le résultat sonore, il convient d'écouter la lyre begena d'Éthiopie.