L'univers musical breton


Nous avons décliné, dans ce PAE, trois aspects de la musique bretonne traditionnelle en partant de l’iconographie musicale de l’Église catholique, offerte par les édifices chrétiens depuis la fin du XVe jusqu’au milieu du XVIIe siècle environ. Cette iconographie, essentiellement instrumentale pour ce qui nous intéresse, est riche, diversifiée et présente dans toute la Bretagne. Les artistes ont représenté les instruments de musique à la fois dans la statuaire, le vitrail, la peinture. Les instruments sont joués par des anges, des hommes ou des animaux.

 

Textes, photos, vidéos © Patrick Kersalé 2009-2024, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 5 septembre 2024.


SOMMAIRE

L’iconographie religieuse durant l’âge d’or

. L’âge d’or

. L’imagerie religieuse

. Les sablières

. Les anges musiciens

. La cornemuse & l’Église

 

Le couple binioù-bombarde

. Histoire - Fonctionnement - Technique

. Concours : critères d'appréciation

Le kan ha diskan

Le bagad

. Histoire

. Enseignement

. Concours

 

DOCU associé

> Musique et chants de Bretagne


PISTES PÉDAGOGIQUES

  • Visite. Que vous habitiez en Bretagne ou ailleurs, effectuez (après repérage) une visite dans l'église ou une des églises de votre ville/village et découvrez les instruments de musique dans les tableaux ou la statuaire.
  • Tuilage. Sur le modèle du kan a diskan, créez un chant tuilé afin qu'il n'y ait jamais d'interruption ni mélodique ni rythmique. Si vous ne pouvez inclure des paroles, faites-le en « la la la… ».
  • Allez plus loin avec les Éditions Lugdivine.

L'iconographie religieuse durant l'âge d'or

L'âge d'or

Lieux et dates : 

. Entretien : Lorient, juillet 2010

. Iconographie : Bretagne. 2009-2010

Durée : 02:31. © Patrick Kersalé 2009-2024.


La séquence pas-à-pas

00:17 - Évocation de l’âge d’or de la Bretagne, au XVIe siècle, consécutif à la guerre de succession franco-anglaise mettant en rivalité deux cousins : Charles de Blois et Jean de Montfort. La victoire de ce dernier s’accompagne de la construction d’une profusion d’édifices religieux et de l’apparition d’une riche iconographie, œuvres d’artistes locaux et internationaux.

02:33 -  Une partie de l’iconographie est réalisée à partir de cartons issus de d’influences diverses, circulant entre les ateliers de toute l’Europe. Artistes et artisans s’en inspirent pour créer de nouvelles œuvres mêlant goûts et savoir-faire locaux. Ainsi retrouve-t-on, par exemple, en raison du goût prononcé des Bretons pour les mélanges, un tambourinaire provençal sur le calvaire de Guimiliau !

 

L’imagerie religieuse

Lieux et dates : 

. Entretien : Lorient, juillet 2010

. Iconographie : Bretagne. 2009-2010

Durée : 01:50. © Patrick Kersalé 2009-2024.


La séquence pas-à-pas

00:11 - Dès sa genèse, l’Église est réfractaire à l’utilisation de l’image, avant de se raviser au VIIIe siècle, jugeant finalement opportun son caractère médiatique. Elle lui permit d’affermir sa position et de catéchiser les convertis. L’iconographie bretonne, à l’instar de celle du reste de l’Europe, emprunte tous les supports physiques : statuaire, vitraux, sablières, chapiteaux… aussi bien dans la structure même des édifices que dans leurs parements.

01:02 - Anne-Bénédicte Thomé fait un parallèle entre le rôle de l’imagerie dans l’enseignement religieux d’autrefois et les médias profanes contemporains.

 

 

 

Les sablières

Lieux et dates : 

. Entretien : Lorient, juillet 2010

. Iconographie : Bretagne. 2009-2010

Durée : 01:52. © Patrick Kersalé 2009-2024.


La séquence pas-à-pas

00:10 - Images de sablières.

00:24 - Les sablières sont des poutres masquant les retombées de la charpente des églises. Elles sont sculptées de scènes profanes, religieuses ou d’un mélange des deux.

01:01 - Les artistes bretons se sont inspirés de thèmes français tels le Roman de Renart, la Dame à la Licorne ou encore la littérature courtoise du XVIe siècle. Le mélange est inattendu : scènes bibliques, de la vie quotidienne, courtoises ou religieuses se côtoient.

 

Les anges musiciens

Lieux et dates : 

. Entretien : Lorient, juillet 2010

. Iconographie : Bretagne. 2009-2010

Durée : 02:31. © Patrick Kersalé 2009-2024.


La séquence pas-à-pas

00:10 - Images d’anges musiciens dans des vitraux.

00:30 - L’ange est un messager de Dieu, généralement de blanc vêtu, ailé, portant parfois un instrument de musique. Les plus anciens instruments représentés entre les mains des anges sont les trompes et les cors. Ils font référence à l’annonce de l’apocalypse (XIe-XIIe s.).

01:08 - Du Ve au XIIe siècle, l’Église interdit le jeu des instruments de musique dans ses édifices car leur représentation allait à l’encontre des prescriptions des pères de l’Église. Mais à partir du VIIIe siècle, l’Église reconsidère sa position vis-à-vis de l’image et l’utiliser comme outil de promotion de ses valeurs ; des instruments musicaux commencent alors à être représentés entre les mains des anges.

01:47 - À partir des XIe et XIIe siècles, on assiste à une prolifération de représentations d’anges musiciens. Cette imagerie se fait l’écho des instruments de chaque époque.

La cornemuse & l’Église

En Gascogne, un curé de la Grande Lande en quête d’arguments pour jeter l’opprobre sur la cornemuse s’exprimait ainsi : « Un joueur de cornemuse est une bête qui souffle dans la peau d’une autre1. » La cornemuse est constituée d’une peau de chèvre ou de bouc, animaux cornus symbolisant le diable, ou bien de brebis, symbole du Christ que l’on a tué, autant d’arguments que l’Église valorisera au cours des siècles pour justifier le caractère païen de toute pratique musicale profane2.

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1. Mabru, 1996. pp. 66, d’après C. Dauge, 1930. Le mariage et la famille en Gascogne, t. III, p. 52.

2. Pour développer cette piste, on pourra se référer à l’article de synthèse de Jean-Loïc Le Quellec « Le loup et la musique, ménétriers et meneurs de loups » dans L’homme, l’animal et la musique, FAMDT Éditions, collection Modal, 1994.

 

Lieux et dates : 

. Entretien : Lorient, juillet 2010

. Iconographie : Bretagne. 2009-2010

Durée : 04:21. © Patrick Kersalé 2009-2024.


La séquence pas-à-pas

 

00:10 - Représentation d’un couple de musiciens jouant de la bombarde et du binioù à la chapelle St Fiacre du Faouët et couple de sonneurs contemporains.

00:22 - On trouve des anges musiciens jouant de la cornemuse depuis le Concile de Trente (1545-1563), car auparavant, la représentation d’instruments de musique était interdite à l’exception de l’orgue, roi des instruments comparé à la voix des anges. La cornemuse et les instruments réalisés avec des peaux d’animaux morts étaient encore plus censurés que les autres. Référence au bouc émissaire. La cornemuse était réalisée avec une peau de bouc ou de chèvre, animal cornu assimilé au diable dans l’imaginaire populaire. Aussi l’Église a-t-elle fait, elle aussi, cette assimilation pour bannir cet instrument.

01:49 - Les instruments à vent, et particulièrement ceux à poche, ont été interdits dans les églises. Paradoxalement, aux XVe et XVIe s., on trouve des représentations d’anges jouant de la cornemuse, instrument du diable ! Cette dernière est parfois représentée entre les mains d’un humain ou d’un animal symbolisant le mal.

02:41 - Cette représentation a plusieurs sens : pour les paysans, le loup, le renard et autres nuisibles sont des fléaux pour les cultures et les animaux de la ferme. La représentation de la nature sauvage symbolise le monde païen face à l’Église et à ses anges.


Le couple binioù-bombarde

Histoire – Fonctionnement – Technique

Dates : entretien : avril 2010 ; iconographie : 2009-2010.

Durée : 06:03. © Patrick Kersalé 2009-2024.


La séquence pas-à-pas

 

Le texte ci-après résulte de la présentation de Patrig Sicard.

 

Histoire

00:10 - Le couple hautbois-cornemuse était aussi présent en Bretagne qu’il l’était ailleurs en France et en Europe. On ignore quand a été inventé le binioù-kozh (litt. “vieille cornemuse”) ou binioù-bihan (“petite cornemuse” par opposition au binioù-bras, “grande cornemuse”, d’origine écossaise) doté d’un levriad (chalumeau) exceptionnellement court. Toutes les autres cornemuses possèdent un chalumeau long sur lequel il est aisé de placer les doigts. Aujourd’hui encore, les chercheurs ignorent la raison qui a poussé le développement de cet instrument atypique. En Vendée et dans le pays nantais, on trouvait des associations de veuzes ou de types de veuzes, de cornemuses plus courantes avec un hautbois plus long que la bombarde. Ce sont des évolutions naturelles dont les mécanismes échappent à toute explication.

En Bretagne, on dénomme le joueur de binioù par des termes variables selon qu’ils sont utilisés par des néophytes ou des gens du milieu. En breton : sonerbiniaouerpoch gaor, binioù ; en français : sonneur. Quant au joueur de bombarde : en breton : sonertalabarderbombarder ; en français : sonneur.

Fonctionnement

03:14 - Le rôle de la bombarde était de chanter la danse, celui de la cornemuse de l’assister. Aujourd’hui, la bombarde joue la mélodie et la cornemuse lui répond à l’identique dans un jeu alterné, sur la base du chant tuilé à danser kan ha diskan. Avant le revival de la musique bretonne, après la Seconde Guerre mondiale, la bombarde jouait plus longtemps, avec des anches plus faciles, aussi les musiciens avaient-ils moins besoin de reprendre leur souffle. Le binioù était essentiellement un instrument rythmique, interprétant généralement quelque chose de différent, un simple accompagnement comparable à une percussion. L’instrument principal était la bombarde. On ne connaît pas, à la cornemuse de tradition bretonne, de jeu soliste comme en Ecosse, en Irlande ou dans d’autres pays où la cornemuse est l’instrument de prédilection. A contrario, dans ces pays, on ne parle pas de hautbois ; les cornemuses se suffisent.

 

Technique de la bombarde

04:50 - La bombarde n’utilise pas la technique du souffle continu, employée sur des hautbois de types différents, généralement dotés d’une pirouette. La bombarde possède des anches pareilles à celles des chalémies, faites à partir d’un roseau plié, ligaturé, coupé, nécessitant pour produire un son correct, d’être pincées entre les lèvres de façon à en maîtriser la vibration.

En plan de coupe, un ensemble de musiciens damaï du Népal avec des hautbois à pirouette illustre la technique du souffle continu. On remarquera les joues gonflées des musiciens se dégonflant simultanément à l’inspiration de l’air par le nez.

 

Concours : critères d’appréciation

Le Trophée Yann-Kaourintin Ar Gall tire son nom du grand sonneur bigouden éponyme. Parti écouter la musique des anges le 16 octobre 1995, Yann-Kaourintin Ar Gall était maître dans l'art des copies d'instruments anciens, mais aussi “maître sonneur” et formidable “passeur de mémoire” aux dires de ceux qui l'ont connu. Aussi en 1996, la Fédération War'l Leur Penn Ar Bed, sur une idée de Gildas L'Hénoret, décida d'organiser un trophée-hommage de musiques et de danses bigoudènes afin de proroger la transmission des richesses culturelles du pays. Depuis sa création, de grands sonneurs l’ont honoré de leur participation : Le Breton-Hélias, Riou-Irvoas, Kergosien-Durassier, Allot-Baron, Irvoas-Moign, Gorce-Bévillon, Madec-Latry, Ollu-Desplanche, Tymen-Kerveillant, Riou-Henaff...

Le rendez-vous a normalement lieu dans le cadre de la Fête des Brodeuses créée en 1954, le samedi à 10 heures dans le théâtre de verdure de la ville de Pont-l’Abbé (29). Chaque couple de sonneurs interprète une succession de marche-mélodie.

Philippe Janvier, membre du jury, nous livre ici son avis sur les critères d’appréciation de la musique des couples de sonneurs.

 

Lieu et dates : Pont-L’Abbé (29) - Juillet 2009 & 2010.

Durée : 02:48. © Patrick Kersalé 2009-2024.

 


La séquence pas-à-pas

 

Le texte ci-après résulte de l’entretien de Philippe Janvier, membre du jury du concours Yann Kaourintin ar Gall 2009.

 

00:14 - Les critères de base pour le jugement des candidats dans les concours sont la justesse, le timbre des instruments, la manière dont les timbres se marient, tout en prenant en compte les bourdons. Toutefois le plus important est représenté par la manière dont les musiciens ont su s’approprier le vaste répertoire traditionnel breton composé d’un ensemble de références chantées ou sonnées appartenant à d’autres instrumentistes à vent, répertoire ancien en langue bretonne et répertoire nouveau. Dans le sud Cornouaille (là où se déroule le concours) beaucoup d’airs ont été empruntés à d’autres répertoires parce qu’autrefois les instrumentistes étaient des professionnels. Pour vivre de leur musique, ils étaient obligés de satisfaire les gens qui les engageaient. Dans les concours, on demande aussi aux musiciens de s’approprier un thème en brodant autour pour lui donner une autre couleur. Les résultats sont fluctuants. Le jugement tient compte de la compréhension du mouvement des phrases musicales par chaque musicien et par le couple. Toutefois, les critères dépendent aussi des juges. On peut parfois privilégier une dynamique, une expressivité, même au détriment de détails techniques et musicaux qui pourraient a priori déranger.

02:17 - Le passage d’une société rurale, ethnocentrée, vers une société urbaine, ouverte, s’est accompagné d’une émancipation des musiciens et d’une réappropriation des instruments ; une démarche totalement effective depuis une quinzaine d’années environ.


Le kan ha diskan

Le chant alterné, dénommé « kan ha diskan » (prononcer kãn ha diskãn), est un dispositif musical à économie de moyens destiné à faire danser un groupe ou, avec les moyens modernes d’amplification sonore, une foule. Deux chanteurs suffisent. En France, cette pratique est exclusivement bretonne. Il existe toutefois des procédés similaires dans d’autres pays du monde.

 

Dates : entretien : avril 2010 ; autres images : 2009 & 2010.

Durée : 14:18. © Patrick Kersalé 2009-2024.

 


La séquence pas-à-pas

 

Les textes ci-après résultent de la présentation de Patrig Sicard ainsi que des entretiens de Michel Colleu et Yvon Morvan.

 

00:10 - La musique instrumentale a un lien fort et indispensable avec la musique chantée. L’une des spécificités de cette pratique découle de la langue utilisée pour le chant. En Bretagne, on considère deux régions : l’une dite bretonnante et l’autre non-bretonnante. Autrefois, le chant était populaire. Tant que la langue bretonne demeurait pratiquée, on chantait en breton comme on chante en français. Le kan ha diskan repose sur une formule de chant (kan) et de rechant (diskan). Il s’agit d’un système de relais contribuant à faire durer une chanson suffisamment longtemps pour servir de support à la danse. En pays gallo, on chante soit en français, soit en gallo, c’est-à-dire un vieux français mélangé de quelques formules bretonnantes. Dans cette région, la chanson reste plus populaire qu’en Basse-Bretagne car la langue correspond à un parlé actuel, il est donc plus facile de les enseigner et de les transmettre. La problématique actuelle du kan ha diskan repose sur l’utilisation du breton, langue en perte de vitesse dans le contexte traditionnel de transmission orale. Il y a heureusement des écoles en langue bretonne et des gens reparlant une langue nouvelle qui s’attachent aussi à apprendre à chanter en breton.

 

Sauvegarde

02:57 - Après la Seconde Guerre mondiale, on a assisté à un élan pour la conservation du kan ha diskan. Ce travail a été réalisé par Loeiz Roparz parallèlement à celui entrepris pour sauvegarder le binioù et la bombarde. Pour cela ont été créés des concours.

À Quimper, lors du festival de Cornouaille, un concours de chant a été récemment instauré pour redonner envie aux gens de chanter, pratique encore courante en pays gallo et en pays vannetais. En sud Cornouaille, peut-être chante-t-on moins parce que le binioù et la bombarde sont à la mode ? On lit parfois que l’on chantait des gavottes dans le pays de l’Aven ou dans le pays bigouden, mais ces pratiques ont disparu. On peut éventuellement recréer des opportunités pour le faire mais le fil a été coupé.

04:46 - (Michel Colleu, ethnologue, musicologue). « Le concours de chant du festival de Cornouaille est organisé par Dastum Bro Gerne (litt. Recueillir en Cornouaille) depuis un dizaine d’années. Il s’agit d’un concours parmi d’autres en Bretagne. Toutes les générations y participent. C’est, pour les candidats, un moyen de se frotter à la convivialité des gens qui écoutent, un moyen de faire danser, parfois pour la première fois, un moyen aussi de se faire reconnaître dans le milieu des chanteurs et des sonneurs, voire même de trouver l’occasion d’aller chanter dans les bagad. Le répertoire est essentiellement breton mais pas uniquement, avec une catégorie de chants à écouter et une de chants à danser. »

 

Pratique contemporaine

06:12 - (Patrig Sicard). De plus en plus de jeunes pratiquent le kan ha diskan. Ils apprennent à chanter des gavottes, des an dro, des dañs plinn… Le chant est un moyen de rapprocher l’acteur, celui qui donne la danse, de celui qui la reçoit, de manière plus forte qu’avec les instruments de musique. Il existe un lien très fort avec le chant parce que plus dynamique que le jeu instrumental. Bien que puissants, la bombarde et le binioù présentent des limites alors que le chant offre une dynamique plus grande. On peut pousser les gens, presque les manipuler, les transcender. Aujourd’hui le couple binioù-bombarde joue devant des micros mais avant la Seconde Guerre mondiale, le chanteur se plaçait dans la ronde. Il s’adressait à une quantité de gens moindre notamment lorsqu’il animait une danse après une journée de travail à la ferme.

08:02 - (Témoignage d’Yvon Morvan, chanteur de kan ha diskan). « Après des journées de travail à la ferme, on faisait danser des gens en chantant dans les maisons ou dans une grange avant d’aller au lit. Il y avait aussi une autre période, en hiver, pour le café du premier de l’an. Les gens se réunissaient dans une maison, chacun à son tour. Chaque maison avait sa famille et les autres étaient des invités. On passait aussi des soirées en hiver pendant quelque temps pour le café du premier de l’an. On le buvait parfois au mois de mars, mais c’était quand même le café du premier de l’an ! C’était un juste retour de choses, une manière de rendre les invitations passées, et on dansait. On a même vu, dans une même pièce de la maison, une génération déjà couchée, une autre qui jouait aux cartes et une autre encore qui chantait et dansait. »

08:56 - (Patrig Sicard) On recrée aujourd’hui certaines pratiques du passé dans les bagad. En pays gallo, cela se fait naturellement parce que les gens chantent dans un langage courant pour eux, c’est plus aisé : après que le leader a chanté la phrase, elle est captée et répétée. En breton, il faut parler la langue bretonne, c’est donc moins courant. Dans certaines danses comme la gavotte, plus physique, il est plus techniquement difficile de chanter en dansant.

 

Création

09:31 - De tout temps, on a écrit des chansons sur des phénomènes politiques, des aventures, des histoires drôles. Ces textes traditionnels se sont transmis. Aujourd’hui certains auteurs écrivent des textes, mais on ignore généralement leur identité car ils le font de manière traditionnelle, à savoir anonymement et sans dépôt à la SACEM. De nouveaux airs voient également le jour ; s’ils plaisent, ils sont appris par des chanteurs qui ignorent encore l’identité du compositeur. Il n’existe pas d’épreuve de présentation de nouvelles chansons dans les concours. Si quelqu’un le fait, c’est bien. Dans ce cas, le chanteur raconte ses malheurs sous une forme généralement humoristique. Une chanson à propos de la catastrophe du Titanic devient populaire depuis quelque temps. Peut-être resurgit-elle grâce au film « Titanic » ? Ainsi, de temps en temps, un événement fait resurgir une chanson écrite pour telle ou telle occasion.

 

Esthétique

11:07 - Comment distinguer un bon chanteur isolé et un bon couple ? Le timbre de la voix est un élément important sur le plan émotionnel. Toutefois, la seule beauté de la voix n’est pas un critère suffisant. On peut chanter très bien sans être doué d’une belle voix. De même, on peut avoir une belle voix et ne pas savoir s’en servir. Ce sont deux éléments à dissocier. Évidemment, si l’on a une belle voix et que l’on chante bien, c’est une chance. Savoir faire passer une émotion, c’est avoir un don d’orateur au même titre que les hommes politiques : savoir séduire, faire passer ses idées, attirer les autres vers soi. En musique, c’est savoir transmettre des émotions. En musique de danse, c’est être en mesure de bien faire danser, d’être régulier, de savoir donner les impulsions au bon moment, de porter les danseurs afin qu’ils n’aient pas à réfléchir. Un jury sait détecter cela. D’ailleurs, dans les concours, le public pourrait lui-même être jury. On fait toutefois appel à des juges parce qu’ils sont aussi des conseillers pour les jeunes, notamment par rapport à la respiration, au port de voix, à la gestion de l’effort.

Pour faire un bon couple, il faut que les timbres, les puissances et les façons de faire s’accordent. Aujourd’hui les chanteurs accèdent à une certaine technicité. Ils parviennent alors à s’adapter les uns aux autres.


Le bagad

Histoire

Dates : Entretien : Avril 2010 ; autres images : Juillet 2010.

Durée : 06:18. © Patrick Kersalé 2010-2024.


La séquence

 

Le texte ci-après résulte de la présentation de Patrig Sicard.

 

L’invention du bagad est une idée des créateurs de l’association Bodadeg Ar Sonerion (B.A.S., l’Assemblée Des Sonneurs), confrontés après la Seconde Guerre mondiale au problème de sauvegarde de la musique et des instruments bretons. Ceux-ci risquaient de tomber en désuétude parce que l’accordéon devenait plus populaire, le saxophone et le jazz arrivaient. La première idée force était de faire jouer ensemble des musiciens de façon à générer une dynamique. Malheureusement les instruments de l’époque étaient inadaptés. Autant un musicien isolé pouvait facilement s’entendre et chanter dans son instrument comme il chantait dans sa tête, autant il était impossible de le faire avec un groupe parce que si quelqu’un modulait différemment de son voisin, s’installait immédiatement une épouvantable cacophonie. La seconde idée force était d’enseigner les instruments à de jeunes musiciens. Pour cela, il fallait un instrument simple. Le tout premier travail a donc été réalisé par les luthiers de l’association B.A.S. Ils ont inventé un hautbois répondant musicalement de manière constante à un même doigté ; il permettait le jeu simultané et esthétique de nombreux musiciens. Ce fut une évolution importante de l’instrument. Puis est arrivée la cornemuse à trois bourdons. 

À ce propos, il y a plusieurs histoires : on évoque la venue de régiments britanniques avec des musiciens écossais, qui auraient oublié des cornemuses en Bretagne. Ces instruments auraient intéressé des Bretons qui n’auraient tout d’abord pas su les remonter… Des photos l’attestent. Puis de nouveaux pipe band sont venus. Les musiciens bretons ont alors appris à remonter correctement les instruments et à en jouer. Ils ont enfin réalisé que l’association entre la cornemuse écossaise et la bombarde fonctionnait, que c’était peut-être plus agréable qu’avec le binioù-kozh breton trop aigu, agressif, fait pour être entendu de loin mais inadapté au jeu collectif. Une cornemuse a donc été développée en Bretagne, le binioù-bras (litt. « cornemuse grande »), copie de la cornemuse écossaise. Mais elle n’avait ni la même puissance et ni le même timbre. Alors des musiciens se sont dit qu’il vaudrait mieux adopter les instruments écossais et apprendre à en jouer comme les Écossais. Ce qui fut fait parallèlement à une nouvelle approche du doigté, ferment de l’identité de la musique bretonne. Il y eu alors une lutte importante, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, entre les fervents défenseurs d’une tradition bretonne assez récente et ceux souhaitant utiliser l’instrument écossais, plus de puissant, plus timbré, plus beau.

Ce sont finalement les seconds, surnommés « écossomaniacs » qui gagnèrent au critère d’une meilleure musicalité. La bombarde s’est alors de nouveau transformée car l’instrument écossais s’avérait plus puissant. Il fallait donc de nouveau l’améliorer de façon à ce qu’elle puisse se faire entendre aux côtés des cornemuses écossaises, d’où modification de la perce, des anches, de la manière de souffler, du jeu… Finalement, cette histoire, récente pour un instrument de musique, épouse soixante années de développement. Depuis, un immense foisonnement d’idées a constitué l’héritage actuel de la culture musicale bretonne.

 

 

Enseignement

Dates : Entretien : Avril 2010 ; autres images : Juillet 2010.

Durée : 04:48. © Patrick Kersalé 2010-2024.


La séquence pas-à-pas

 

Le texte ci-après résulte de la présentation de Patrig Sicard.

 

00:17 - L’enseignement lié à la pratique musicale des instrumentistes dans un bagad relève des mêmes exigences que celles de l’orchestre classique occidental. Autrefois, les sonneurs de couple bombarde-binioù recevaient un enseignement de maître à élève. Si un maître sonneur repérait un jeune susceptible de lui succéder et que ce dernier était intéressé, il lui transmettait son savoir.

L’ouvrage de Daniel Carrion, « Le sonneur des halles », raconte l’histoire de l’apprentissage d’un jeune homme de la ferme qui rencontre des sonneurs venant vanter leurs mérites auprès des halles du Faouët afin d’être embauchés pour les noces. À l’époque, on se vendait comme on commercialise du beurre et du lait !

La bombarde et la cornemuse sont des instruments relevant d’une très haute technicité. Un pipe band peut regrouper jusqu’à 25 joueurs de cornemuses interprétant précisément la même chose au même moment. Pour séparer les notes, l’instrument n’offre pas la possibilité d’utiliser la langue ou d’interrompre le souffle. Le musicien ne dispose que de la virtuosité de son doigté. Pour une suite d’une dizaine de minutes, tous les musiciens jouent rigoureusement la même chose, à l’ornement près.

02:42 - À l’origine des bagad, des musiciens de tous niveaux ont œuvré ensemble. Un enseignement informel sur la base de la tradition a prévalu. Puis ont été créés des bagad d’enfants dans les écoles. Dans les années 1960, il y avait des bagad dans les établissement scolaires parce que l’on disposait de nombreux pensionnaires et demi-pensionnaires à occuper. Les temps de récréations étaient eux aussi consacrés à l’enseignement de la musique en vue d’intégrer les élèves dans des bagad. De nombreuses villes possédaient des bagad. Ainsi s’est développée une idée de l’enseignement musical de masse. Dans les années 1980, on a assisté à une professionnalisation des musiciens, notamment grâce à l’aide financière du Conseil Régional et des Conseils Généraux.

 

Concours – 4ème catégorie, groupe B

L’association Bodadeg Ar Sonerion (B.A.S.) propose chaque année une série de concours de bagad structurés par niveaux. Nous avons suivi le concours organisé en juillet 2010 à Pont-l’Abbé dans le cadre de la Fête des Brodeuses. Il s’agissait de bagad de 4ème catégorie, groupe B. On pourra retrouver toutes les informations utiles concernant les concours sur leur site internet.

 

Durée : 06:05. © Patrick Kersalé 2010-2024.


La séquence pas-à-pas

 

00:14 - Évocation du cadre du concours par la présentatrice, en langue française. Les commentaires étaient bilingue français-breton.

00:34 - Présentation de Jean-Yves Élaudais, directeur de Bodadeg Ar Sonerion (l’Assemblée des Sonneurs de Bretagne). « Le concours de 4ème catégorie, groupe B, concerne les bagadoù sélectionnés au concours de Concarneau en avril 2010. Chaque bagad a une prestation musicale de six minutes, plus ou moins une. L’épreuve est libre. Chacun s’exprime avec de la musique bretonne, dont un tiers doit comporter de la danse. »

01:12 - Bagad de Bannalec.

01:51 - Bagadig Sonerien An Oriant.

02:25 - Bagad de Paimpol.

03:04 - Bagad de Pluneret.

02:25 - Bagad de Paimpol.

03:38 - Guy Riou, présentateur bretonnant rôdé aux concours de musique bretonne s’exprime à la fin du concours : « À l’issue des différentes prestations des bagad de la 4ème catégorie groupe B, on s’aperçoit que d’une année sur l’autre, les airs présentés ne cessent d’évoluer. Les jeunes ont su puiser dans le répertoire traditionnel les airs importants de la culture régionale et les adapter au monde actuel. Le traditionnel est toujours en évolution. (Bagad de Nantes). Le travail effectué par les groupes et à l’association Bodadeg Ar Sonerion concourt à l’évolution de la musique et participe à la reconnaissance de l’identité bretonne. Il s’agit d’un programme recherché mettant en valeur les divers terroirs de la Bretagne dans lesquels il y a encore beaucoup à puiser. »

 

Composition du jury 

  • Cornemuse : Ronan Le Dallic, Alexis Meunier.
  • Bombarde : Hervé Gouyec, Mickaël Le Cornec.
  • Batterie : Mickaël Galeron, Alain Pastor.
  • Ensemble : Laurent Moal, Mickaël Le Guellec.

Résultats du concours

1er Nantes, 2e Pluneret, 3e Le Faouët, 4e Lorient, 5e Bannalec, 6e Paimpol, 7e Ploemeur.