Danses du monde 1/2


Si les contours de la terminologie « musiques traditionnelles » et ses polémiques sémantiques ont fait couler beaucoup d’encre et en feront couler encore, il en est de même pour ce fourre-tout que nous qualifions ici de « danses traditionnelles ». Nous incluons, dans ce vaste ensemble, les danses rituelles et fonctionnelles au sens large, les danses de divertissement ou encore les danses folklorisées et savantes extra-occidentales. Il est délicat de trouver une terminologie générique pour toutes ces pratiques car il s’agit d’une matière vivante dont le centre de gravité se déplace selon les événements, les politiques de folklorisation nationales, le marchandising, les acquisitions et les déperditions culturelles. Ce que l’on pourrait retenir en outre, c’est que la plupart de ces danses ont en commun une volonté de communiquer en sens le plus large du terme : communication endogène entre des individus d’une même communauté, communication exogène dans un rayon allant de la périphérie du village aux contrées les plus éloignées du monde, communication avec les entités spirituelles (esprits de la nature, divinités, âmes des défunts, ancêtres…). À défaut de réponses péremptoires, on trouvera, dans ce PAE, des éléments susceptibles de nourrir réflexion et discussion.

 

Photos, vidéos : © Patrick Kersalé 2007-2023, sauf mention spéciale. Dernière mise à jour : 28 août 2024.


SOMMAIRE


Introduction à la danse

. Aux origines de la danse

. Vous avez dit danse ?

Communiquer ici, là-bas & au-delà

. Ici… Bali, danser au pluriel

. Là-bas… Bali, de la culture villageoise à la vitrine internationale

. Au-delà… Vietnam, la danse de possession du culte des Quatre Palais

Le hip hop

. Le hip hop… Une danse vivante

Le hip hop… Les styles

Danse & musique

. Danseurs musiquant avec la voix

. Danseurs musiquant avec des outils sonores

. Danseurs musiqués & musiquant

. La musique suit la danse

Morphologie

. Ronde simple

. Ronde autour des musiciens

. Rondes multiples

. Chaîne ouverte

. Chorégraphie complexe

. Danse en couple

. Danse sociale individualisée


PISTES PÉDAGOGIQUES

  • Danse des yeux. Pour lutter contre les méfaits de l'exposition prolongée aux écrans d'ordinateur, organisez une danse des yeux sur la base d'exercices approuvés par les ophtalmologues.
  • Société. En quoi la danse crée-t-elle du lien social ?
  • Gymnastique vs danse. En quoi la gymnastique se différentie-t-elle de la danse ? Pourquoi existe-t-il une danse appelée marche et que la marche n'est pas considérée comme une danse ? 
  • Allez plus loin avec les Éditions Lugdivine.

Introduction à la danse

La danse a probablement été l’une des premières formes d’expressions de l’humanité. Si l’on se réfère à l’universalité de ce mode de communication dans l’ensemble des sociétés humaines, il y a fort à parier qu’elle ait eu, dès les origines de l’humanité, une importance notoire. On peut même penser, à la lumière de l’ethnographie, qu’elle avait un large champ d’applications.

 

Aux origines de la danse, par Patrick Kersalé

Catherine Basset, anthropologue et ethnomusicologue, auteur d’une thèse sur “L’anthropologie de la musique et les arts du spectacle à Bali et Java”, de publications de référence sur la musique indonésienne, nous aide à répondre à ces questions tout au long de ce PAE. Dans cette première séquence, elle évoque l’origine indienne du Ramayana, sa migration vers le sud-est asiatique, les rôles des divinités incarnées et des ogres géants râkshasas.

 

La séquence vidéo (texte d’après la présentation de Patrick Kersalé)

La danse, que je préfèrerais dénommer ici « langage du corps », a probablement été l’une des premières formes d’expressions de l’humanité. Si l’on se réfère à l’universalité de ce mode de communication dans l’ensemble des sociétés humaines et quel que soit d’ailleurs leur niveau de développement technologique, il y a fort à parier qu’elle ait eu, dès les origines, une importance notoire. On peut même penser, à la lumière de l’ethnographie, qu’elle avait un large champ d’applications.

Il serait toutefois impossible de vouloir balayer tous les champs d’applications de la danse. Aussi je vais me limiter à présenter quelques exemples à la lumière des données à la fois préhistoriques et ethnographiques actuelles. Il est probable que l’homme ait cherché, à travers le langage corporel, à mimer une situation dans un souci purement didactique. Dans les sociétés initiatiques des chasseurs d’Afrique occidentale, les maîtres démontrent aux novices le comportement des animaux. (…)

 

Lieu & date : Paris. Janvier 2007. Durée : 04:49. © Patrick Kersalé 2007-2024.


 

Les chasseurs du paléolithique ont très certainement cherché à s’identifier à certains animaux de leur environnement. Ces pratiques existent encore de nos jours dans les confréries de chasseurs d’Afrique occidentale. (…)

Au paléolithique, le corps a probablement servi de média entre le groupe humain et les entités spirituelles. Il s’agissait d’établir une communication bilatérale à la fois de l’homme vers les entités spirituelles et de ces entités vers l’homme, cet échange se réalisant parfois par le biais de la possession. Il n’est pas absurde d’imaginer une relation étroite entre l’usage des peintures rupestres et la danse dans le processus de communication avec l’esprit des animaux et peut-être plus largement encore avec ce qu’il conviendrait de dénommer les forces de la nature, disons d’une manière générale l’univers du physiquement “non-maîtrisable”. Les récits des Bushmen d’Afrique du Sud qui, au XIXe siècle, pratiquaient encore les peintures rupestres, attestent de cette relation entre la peinture et la danse.

Au paléolithique toujours, avec l’émergence d’une conscience de la mort, l’homme a très probablement créé des danses visant à exorciser la douleur et à communiquer avec l’esprit des défunts, danses qui existent aujourd’hui encore dans un grand nombre de sociétés qui pratiquent le culte des esprits.

 

Pour compléter ce propos, voir : Fonction/Rituelle.

 

Vous avez dit danse ?, par Patrick Kersalé

À défaut de réponse péremptoire, nous apportons ici les bases d’une réflexion sur la nature de la danse et sur le regard que les uns et les autres portent sur elle : « qui regarde quoi », « qui » pouvant être moil’autre — qui appartient à ma culture ou à une autre culture ; « quoi » est un acte physique volontaire qualifié à tort ou à raison de « danse ». Pour alimenter la réflexion et tenter de sortir du cadre de la pensée unique, voici un encadré tiré de l’ouvrage « les danses du monde » de la collection CNRS - Musée de l’homme. Malgré sa rigueur apparente, il est représentatif de la réflexion d’un scientifique occidental ethnocentré ; à ce titre, il ne reflète pas les modes de pensées et les regards des autres peuples du monde.

 

Lieu & date : Paris. Janvier 2007. Durée : 07:07. © Patrick Kersalé 2007-2024.

Une définition interculturelle de la danse (Judith Hanna ; 1979, p. 19 ; traduction Hugo Zemp)

« La danse peut être définie le plus utilement comme un comportement humain, composé, du point de vue du danseur, de séquences volontaires, qui sont intentionnellement rythmiques et culturellement structurées ; ces séquences étant formées de mouvements corporels non-verbaux, différents des activités motrices ordinaires, et possédant des valeurs inhérentes et esthétiques. »

 


Voici quelques réflexions ouvertes à propos de cette définition de la danse :

  • Un comportement humain… Les scientifiques parlent souvent de danse pour qualifier certains comportements animaux. Qu’en est-il du niveau de leur cognition, de l’intention de danser de ces derniers ?
  • Le point de vue du danseur… À travers la globalité des cultures du monde, le danseur se considère-t-il toujours comme un danseur ?
  • Séquence volontaire : si la danse est perçue comme un acte volontaire, comment regarder les danses de possession dans lesquelles le possédé n’est plus maître de ses mouvements (du point de vue des observateurs de la culture endogène ou des neurologues).
  • Intentionnellement rythmique… Comment appréhender, de notre point de vue, certaines danses contemporaines occidentales interprétées sans musique ; comment peuvent-elle être perçues par des observateurs appartenant à des cultures très éloignées de la nôtre ?
  • Possédant des valeurs inhérentes et esthétiques… Qui définit les canons de l’esthétique ? Une danse doit-elle obligatoirement répondre à une esthétique ? Qu’est-ce que l’esthétique ? (Voir l’interview de Catherine Basset : Bali, danser au pluriel / de la relativité de la beauté).

La séquence pas-à-pas

 

00:00 - Quel regard sur quelle culture ?

Chaque peuple du monde porte un regard qui lui est propre à la fois sur lui-même et sur les autres, un regard modelé par sa culture, son histoire et parfois aussi par les politiques nationales. Ainsi le nom « danse » et le verbe « danser » peuvent revêtir des sens différents selon la culture.

Chez certains peuples, on rencontre une diversité d’expressions corporelles liées à des événements sociaux ou cultuels identifiés. Chacune de ces expressions pourra être qualifiée, à travers le filtre de la culture occidentale, de danse au sens large du terme. Toutefois, le peuple qui les produit pourra en avoir une tout autre conception. Ce que nous nommons “danse” pourra par exemple être considéré comme une offrande au même titre que les offrandes matérielles, sonores ou encore les gestes symboliques, les uns et les autres ne pouvant être dissociés mentalement. Le terme nommant la chorégraphie ne sera lui-même peut-être pas distinct de celui de l’ensemble du rituel.

Nous n’hésitons pas à qualifier de danse, par exemple le baris balinais, sorte de parade militaire ritualisée. Le terme baris signifie d’ailleurs rang ou formation militaire. Nous viendrait-il à l’idée d’assimiler, dans notre société occidentale, un défilé de militaires ou de majorettes, à une danse ? D’autant qu’il existe bien une danse que l’on appelle “marche”. Alors pourquoi ne pas considérer cette marche comme une danse ? N’est-elle pas rythmée par la musique et enrichie d’une chorégraphie d’ensemble ?

Dans notre acception occidentale, certaines chorégraphies pourront nous sembler ambiguës.

Enfin, au nom de quels critères exclut-on une démonstration d’art martial (rythmée par des percussions) du cadre de la danse, si ce n’est en fonction de notre acquis culturel ? Parce que nous savons qu’il s’agit d’une démonstration d’art martial. Mais si cette même chorégraphie était présentée dans le cadre d’un ballet de danse contemporaine, la considérerait-on comme une danse ?

On voit bien, à travers ces quelques exemples, que la clé de la compréhension passe par une connaissance de la culture référente et de la cognition des exécutants.

 

04:14 - La danse, un langage de communication

Et si l’on appréhendait l’acte de danser tout simplement comme un langage explicite ou ésotérique, expression de sentiments ou plus largement d’une culture ? On pourrait alors diviser l’univers dans lequel s’exprime le corps humain en trois espaces :

  • un espace de communication de proximité, le plus étendu, dans lequel chaque communauté s’exprime pour elle-même.
  • un espace de communication distante où la communauté cherche à toucher d’autres communautés. On pense alors à toutes ces danses folkloriques porteuses de messages véhiculés à l’autre bout du monde, messages parfois vecteur d’un certain prosélytisme idéologique et culturel.
  • un espace de communication avec l’au-delà, dans lequel le danseur cherche à communiquer avec des entités spirituelles, à moins que ce ne soient ces mêmes entités qui s’incarnent dans le corps du danseur et se substituent à sa propre personnalité.

05:49 - Un voyage à la découverte des espaces de communication

C’est à un voyage dans ces trois espaces de communication que vous invite ce dossier. Vous allez entrevoir combien l’imagination humaine est sans limites. À travers des séquences vidéo tournées dans le monde entier, vous comprendrez la relation existant entre la musique et la danse. Vous entreverrez les morphologies de la danse dans le cadre de chorégraphies collectives. Vous verrez également quel jeu corporel est privilégié chez les uns ou les autres, ainsi que les diverses fonctions de la danse dans le quotidien des peuples. Vous découvrirez les attributs qui permettent de représenter tel personnage ou tel animal, ou bien les accessoires utilisés pour rendre un jeu dansé semblable à certaines réalités quotidiennes, ou bien encore les gestes symboliques qui font de ces danses des outils de communication avec un vocabulaire et une syntaxe spécifiques.


Communiquer ici, là-bas & au-delà

Ici - Bali… danser au pluriel, par Catherine Basset

Dans ce chapitre, Catherine Basset nous fait découvrir deux aspects de la danse balinaise : la danse collective villageoise et la danse individuelle d’origine aristocratique. Elle évoque :

  • La relation entre musiciens et danseurs.
  • La notion d’art.
  • La beauté, qui prend des sens différents selon le contexte.
  • La nature communautaire de la culture balinaise.

Lieu & date : Lyon. Novembre 2006. Durée : 06:04. © P. Kersalé 2007-2024.

Pour compléter cette présentation, voir aussi :

  • Danse & musique/La musique suit la danse
  • Morphologie/Chorégraphie complexe
  • Fonction/Rituelle/Divertissement
  • Attributs et accessoires/Armes/Masque/Maquillage

 

La séquence pas-à-pas  (d’après l'interview de Catherine Basset. © 2007-2024).

 

00:00 - Bali… danser au pluriel.

« À Bali, dans l’acception du mot « danse », les Balinais font des distinctions. Il y en a deux principales : d’un côté les danses villageoises collectives, que les gens font en tant que citoyen, dans leur propre rôle de citoyen, sans changer de personnalité, de l’autre, les danses classiques, danses de spécialistes d’origine aristocratique dans lesquelles les danseurs incarnent des personnages de la littérature.

Les danses de citoyens sont des danses collectives et ce que fait chacune des personnes a peu de sens ; toutefois, ensemble, elles dessinent une géométrie dans l’espace. Dans le cas de la danse classique, individuelle, il s’agit de la danse de tel personnage. »

 

01:51 - Bali… relation entre la musique et la danse

« Dans le cas des danses collectives, comme il est nécessaire d’animer une masse de gens non entraînés, le plus simple est d’avoir une musique répétitive qui gouverne la danse.

Dans le cas des danses classiques, soit les chorégraphies sont fixes, les danseurs apprenant à être en place avec la musique qu’ils doivent connaître par cœur, soit la musique est répétitive et les acteurs-danseurs gouvernent alors la musique. Dans ce cas, il existe un relais entre le gamelan qui est un instrument collectif et le danseur. Le chef d’orchestre est dans ce cas le tambour. En repérant un geste codé du danseur, le tambourinaire va, lui aussi, réagir par une frappe codée immédiatement entendue par les musiciens ; ainsi, en l’espace d’une seconde, s’établit une réaction entre un geste du danseur et une réalisation musicale. »

 

03:31 - La danse : un art ?

« Il faut bien avoir en tête que c’est nous qui distinguons danse, musique, que c’est nous qui disons que ce sont des arts et qui oublions de compter dans les arts les tressages des offrandes que les Balinais considèrent sur un pied d’égalité avec la musique par exemple. Le tressage des offrandes est l’activité féminine, pendant du tressage des notes sur les gamelan qui, lui, est l’activité masculine.

Pour les Balinais, le rituel est une œuvre (karya), qui veut dire « œuvre », ensemble de toutes les offrandes : tressages, moulages de pâte de riz, offrandes culinaires, les gestes, parfums, costumes, formules magiques parlées, paroles distinctes du théâtre, chants, etc. En revanche, la qualité d’exécution du geste musical ou du geste dansé est de moindre importance. »

 

04:55 - Bali… relativité de la beauté ?

« Ce qui sera beau, ce sera ramé. Ramé, en sanscrit, signifie « beau », mais en balinais, cela signifie « profus ». Le beau, c’est la conjonction de toutes ces choses, de tous ces gens, le fait que tout est recentré, condensé à un moment. Cela ressemble souvent à une sorte de cacophonie et de désordre, de profusion visuelle et de profusion sonore, mais c’est justement ce qui marquera la réussite d’un rituel.

Quand on est hors du rituel, le beau ce n’est pas ramé. Le beau sera la précision, la réussite de ce qui était difficile à exécuter. Ainsi, lorsque quelque chose est donné comme spectacle, on s’attache à la performance du danseur : comment ses doigts sont bien recourbés, ses doigts de pieds aussi, comment il est en place avec la musique, comment il s’entend ou non avec le joueur de tambour, s’il se laisse égarer par le joueur de tambour ou non… »

 

06:48 - Bali… un esprit communautaire

« On a le pendant des danses collectives, qui font un corps collectif, dans la musique. La musique qui les accompagne, est celle du gamelan. Le gamelan n’est pas un orchestre au sens occidental mais un instrument collectif composé d’ “éléments” (…) Le gamelan ne peut absolument pas être répété individuellement, il faut que tous les musiciens soient présents, chacun ne faisant qu’un atome de musique. Il en est de même dans les danses villageoises collectives (…) Tout cela correspond à une idéologie communautaire. On veut former des citoyens dépendant les uns des autres, qui partagent le temps, l’espace, le matériau, la tâche. On ne veut surtout pas former des individus autonomes, des individus qui ont des initiatives personnelles, qui ont des ambitions personnelles, qui ont des talents très particuliers, au contraire, on cherche à homogénéiser, uniformiser, à faire des citoyens qui sont à leur place et qui, de génération en génération, vont faire les mêmes choses au même endroit, au même moment. »

 

Là-bas - Bali… de la culture villageoise à la vitrine internationale, par Catherine Basset

Lieu & date : Lyon. Novembre 2006. Durée : 04:40. © P. Kersalé 2007-2024.

Pour compléter cette présentation, voir aussi :

  • Fonction/Divertissement/Divertissement & performance

 

On pourra également se nourrir de ce texte de Jean-Michel et Yves Guilcher, sur la folklorisation de la danse en France.

 

« Avec le costume, le mobilier, les musiques et chansons de tradition orale, les danses dites « folkloriques » témoignent de ce qu’a été, avant l’industrialisation des campagnes, la culture des milieux ruraux français. Elles sont connues du grand public surtout par la représentation, diverse selon les provinces, qu’en donnent sur scène les groupes du même nom. L’image qu’ils en proposent est rarement exacte, contestable dès le départ en ce qu’elle laisse croire que sont destinées par nature au spectacle des danses qui étaient pour la plupart pratique vivante, moyen d’expression partagé, sans clivage entre des acteurs et des spectateurs. […]

 

Détachées du terreau qui les avait nourries, adaptées aux besoins de notre temps et redéfinies selon les canons de notre culture, elles sont devenues une activité de loisirs parmi d’autres — on « fait » de la danse traditionnelle comme on « fait » du jazz ou des claquettes — ou une matière à spectacle (groupes folkloriques, ballets populaires), à moins qu’elles ne servent des intentions éducatives. Leur transmission a pour cadre le cours de danse et le stage, pour moyen l’enseignement d’instructeurs dont la qualification n’est plus vérifiable. Devenues le bien d’autres milieux, elles commencent d’autres carrières. Les fins qu’on leur assigne, les conditionnement auxquels on les soumet, les mécanismes par lesquels on les transmet sont désormais sans rapport avec la tradition populaire qui les avait faites ce qu’elles sont. » [1]

____________

[1] Guilcher, Jean-Michel et Yves. 1993. pp. 1 et 10. “Les danses traditionnelles des milieux ruraux français”, in : Encyclopédie Clartés, vol. L’homme, fasc. 4894. (Introduction ethnologique et historique aux danses traditionnelles de France).

 

La séquence pas-à-pas  (d’après l'interview de Catherine Basset. © 2007-2024).

 

00:00 - Folklorisation

« Le tourisme joue un grand rôle dans l’économie balinaise et même pour les encourager à garder leurs traditions. Cependant les Balinais n’ont pas voulu tout livrer au commerce, au tourisme et aux étrangers. Ainsi les intellectuels balinais se sont-ils chargés de distinguer deux catégories de danses : celles que l’on pourrait commercialiser et les autres. Au final, ils ont décidé qu’on ne devrait pas représenter, hors du rituel, les danses des villageois qui sont des danses rituelles collectives. En revanche, les danses narratives, — originaires des palais, qui ont valeur d’offrande dans les rituels (…) — et le théâtre dansé, pourraient être donnés en représentation comme simple divertissement pour les Balinais, les étrangers, emmenés hors des frontières et servir à la “vitrine nationale”.

Alors pourquoi je parle de vitrine nationale ? Parce qu’il y a une République d’Indonésie qui est composée de multiples îles et plusieurs provinces. Pour composer une culture nationale, le gouvernement républicain a décidé de se servir des sommets des cultures régionales. Il a donc fondé des académies qui ont défini une sorte de standard et choisi les meilleurs morceaux dans chacune des cultures régionales. (…) C’est en fait ce que l’on peut appeler une folklorisation : on décide que tel peuple a telle tradition et qu’on fait la nation, un grand archipel en l’occurrence, de cette diversité unie dans une nation. C’est du folklore, mais ça a beaucoup de sens.

Il s’est passé un peu la même chose en France avec les folklores régionaux (…).

Une nation se montre à elle-même ses propres composantes, ses régions, ses îles…, de la même manière qu’un village montrait ses propres composantes quand il faisait danser la danse des petites filles, la danse des femmes adultes, la danse des petits garçons, la danse des hommes adultes… (…)

Quand on fait un festival avec les danses du monde, c’est le monde qui se montre à lui-même ses propres composantes, avec les danses des pays, le ballet national de tel pays. Tout n’est qu’une question d’échelle. Que veut-on ? Représenter les identités, au niveau villageois, au niveau de l’individu intégré dans un village, au niveau du village vis-à-vis des autres villages, au niveau des régions par rapport aux autres régions et des nations face aux autres nations. »

 

03:42 - (Folklorisation)2 (Folklorisation au carré)

« Les danses, la musique et le théâtre à Bali sont au premier plan de la vitrine nationale indonésienne. Mais maintenant, il est aussi fréquent d’avoir une troupe nationale ou appartenant à une université par exemple, qui présente des morceaux choisis des traditions de chacune des régions de l’archipel. On aura alors seulement un morceau de danse balinaise, dansé généralement par des non-Balinais.

La culture nationale se constitue donc de cette manière-là et se représente à l’étranger comme étant ce patchwork de cultures régionales. »

 

Au-delà - Vietnam… la danse de possession du culte des Quatre Palais, par Claire Chauvet

Le culte des Quatre Palais est l’un des nombreux cultes rendus à des esprits au Vietnam. Il porte ce nom, en référence à quatre entités complémentaires, mais hiérarchisées : le Palais Céleste, le Palais des Eaux, le Palais des Monts et Forêts et le Palais Terrestre. Il existe de longue date. À l'image d'autres phénomènes religieux du pays, après quelques décennies d’ostracisme, il s’est redéveloppé à partir des années 1980 : les temples ont été restaurés et le nombre d’adeptes et de spécialistes augmente.

Les principales manifestations de ce culte se présentent sous la forme de rituels de possession, ainsi que de pèlerinages vers les principaux temples du pays. Les spécialistes de la possession, les médiums, sont essentiellement féminins, tout comme la majorité des disciples. Les esprits auxquels un culte est rendu sont considérés comme des « héros nationaux » ayant victorieusement combattu les envahisseurs chinois.

Les disciples adressent aux esprits des requêtes très diversifiées : guérison, succès dans les études ou réussite d’un commerce. Les rituels de possession constituent des moments privilégiés de la relation entre les humains et les esprits. Ces derniers se manifestent en investissant le corps du médium durant quelques heures. Danses, actes, paroles du médium sont considérés comme ceux des esprits. À cette occasion, les disciples présentent leurs requêtes aux esprits en les accompagnant d’offrandes que le médium possédé redistribue entre tous les invités. Plus que la parole, très limitée dans ce culte, ce sont les actes du médium possédé que l’on interprète comme autant de réponses aux requêtes. La beauté et la légèreté des danses ainsi que la générosité des redistributions d’offrandes sont considérées comme autant de signes de bienveillance des esprits.

© Claire Chauvet 2007-2024

Lieux & dates : 

. Interview de Claire Chauvet. Paris. Novembre 2006.

. Rituel de possession des Quatre Palais. Vietnam. Hanoi. Février 2001.

Durée : 08:19. © Patrick Kersalé 2007-2024.

Pour compléter cette présentation, voir aussi :

  • Fonction/Rituelle.
  • Attributs et accessoires/Éventails/Armes/Divers.
  • Représentation/Symbole.

 

La séquence pas-à-pas (d’après l'interview de Claire Chauvet. © 2007-2024).

 

00:00 - La danse de possession : un outil de communication

« En Asie du Sud-Est, on rencontre divers modes de communication avec les esprits dans le cadre de la possession. Dans certains rituels, qui relèvent de la possession oraculaire, l’esprit parle pour délivrer son message aux humains. Le type de possession qui nous concerne ici ne fait pas intervenir la parole. Le moyen qu’a donc l’esprit de faire passer son message, de se manifester, de faire comprendre ses volontés, c’est au travers du corps du médium. »

 

01:09 - La danse de possession : croyance et manifestation

« On pense que les esprits peuvent agir bénéfiquement ou de manière néfaste sur la vie des individus. La principale manifestation de ce culte consiste en des dépôts d’offrandes dans les sanctuaires, mais il y a également des pèlerinages dans les lieux d’origines des esprits. Il y a également des rituels de possession au cours desquels des médiums sont possédés durant deux à quatre heures par toute une série d’esprits. »

 

01:52 - La danse de possession : le panthéon des esprits

« Ces esprits sont organisés au sein d’un panthéon très hiérarchisé, un peu à la manière de l’ancien régime impérial vietnamien puisqu’il existe des princes, des princesses, des servantes, des demoiselles selon un ordre hiérarchique précis. »

 

02:20 - La danse de possession : la possession

« On considère qu’il y a possession lorsqu’un esprit a investi, a pris possession du corps du médium. À partir de là, on considère que les gestes, les paroles, les danses du médium sont ceux de l’esprit incarné. Les composantes de la personne du médium s’effacent pour laisser place à celles de l’esprit. »

 

02:56 - La danse de possession : une possession ritualisée

« La possession, dans ce cadre-là, est extrêmement ritualisée. Le début et la fin de possession sont codifiés. Il y a possession entre le moment où le médium met le voile rouge sur sa tête et où il le retire. L’esprit est véritablement présent dans le temple une fois que le médium a revêtu les habits cérémoniels qui permettent d’identifier l’esprit qui est venu le posséder. La possession s’accomplit selon un ordre très précis, des esprits les plus importants dans la hiérarchie, aux esprits les plus bas. On connaît donc (par avance) la succession.

 

04:05 - La danse de possession : reconnaître un esprit incarné

« Les gestes du médium permettent d’identifier l’esprit. S’il fait par exemple un geste de la main gauche, c’est qu’un esprit masculin est venu s’incarner, s’il présente sa main droite, il s’agit d’un esprit féminin. Les nombres qu’il indique avec ses mains permettent d’identifier le rang de l’esprit en question. L’identité d’un esprit au cours d’un rituel se construit autour de différentes choses : des costumes qui sont changés au cours de chaque incarnation et qui permettent d’indiquer l’esprit (féminin, masculin, son rang). Son identité se construit également autour de la musique avec des chants et des rythmes spécifiques à chaque entité. »

 

05:11 - La danse de possession : un répertoire de chants

« Le contenu des chants est principalement composé des légendes des esprits. Ils narrent leur vie durant leur existence terrestre. Ils permettent également de décrire le déroulement du rituel. Il y a donc parfois un fort parallèle entre les paroles des chants et les actes du médium. Lorsque le chanteur évoque par exemple les guerres contre les envahisseurs, le médium brandit des sabres, des drapeaux ; il semble alors mimer ses luttes contre ces envahisseurs. »

 

06:01 - La danse de possession : les attributs des esprits

« Les objets utilisés par le médium au cours du rituel sont plus que de simples accessoires. Il s’agit de véritables attributs qui permettent d’attester de l’identité particulière de l’esprit incarné. On peut parler des vêtements puisque le médium en revêt un spécifique à chaque incarnation, des objets (sabres, drapeaux, éventails, rames). Certains esprits, comme des petits princes, esprits de personnes mortes en bas âge, jouent avec une paire de bâtons-sonnailles en signe de leur jeune âge, de leur impétuosité. »

 

07:03 - La danse de possession : danse et esthétique

« Le terme “danse”, tel que nous l’utilisons, correspond à celui que les médiums vietnamiens utilisent pour cette séquence particulière du rituel puisqu’on dit que “l’esprit danse” alors qu’à d’autres moments, il va éventuellement pleurer, à de rares moments également parler. Cela correspond donc bien à notre acception du terme. Cela implique une dimension esthétique indéniable. Cet aspect esthétique est fondamental car il permet de construire la réputation du médium. Ainsi, un beau rituel sera considéré comme accompli dans les règles. Cette beauté contribue à asseoir la puissance et l’efficacité des esprits puisqu’ils sont capables de se manifester de manière esthétique. »


Le hip hop

Le hip hop… Une danse vivante, par Muya Mahamat

Lieu & date : Lyon. Novembre 2006.

Durée : 07:14. © Patrick Kersalé 2007-2024.


 

La séquence pas-à-pas (d’après l’interview de Muya Mahamat. © 2007-2024).

 

00:00 - Le hip hop… une danse vivante

Images de danse hip hop puis de danse africaine (Pougouli du Burkina Faso).

 

01:17 - Le hip hop… ses origines africaines

Certains datent la naissance du hip hop dans les années 70. En réalité, le hip hop a commencé avec le marché des esclaves africains. Dans les champs de coton américains, les Noirs, qui appartenaient à des différentes tribus, parfois ennemies, réglaient parfois leurs comptes. Mais il leur était interdit de se battre. Il s’affrontaient alors symboliquement à travers des danses. Ainsi naquirent la capoeira et ce qui sera plus tard le hip hop.

 

02:22 - Le hip hop… les années 70-80

Le mot hip hop est né dans les années 70. Toutefois l’origine exacte de ce terme reste mystérieux. Diverses interprétations sont toutefois proposées. C’est le groupe « Rock Steady Crew » qui jeta les bases du hip hop : break-dance, battle entre groupes de danseurs, passages au sol, freeze, six-step. Ils sont également les premiers à importer le hip hop en France.

 

03:34 - Le hip hop… trois pôles d’expression

On peut diviser le hip hop en trois branches :

La branche musicale : chant, rap, beatbox, disc-jockey.

La branche dessin : grapher à la bombe ou au pinceau.

La branche danse : danse debout (smurf, lock…) et danse au sol (break-dance).

 

04:28 - Le hip hop… miroir de la société

Le hip hop est un miroir de la société. Les danseurs s’inspirent de la société dans laquelle ils vivent pour créer leurs chorégraphies. Le lock est, par exemple, une caricature de la société blanche. La break-dance s’est largement inspirée de la gymnastique et s’inspire actuellement du cirque. Aujourd’hui, la tendance est de revenir à la danse mesurée au détriment de la performance.

 

05:36 - Le hip hop… mouvement novateur

Le hip hop est le mouvement le plus novateur et le plus innovant depuis le rock qui aujourd’hui est devenu conventionnel. Le hip hop touche toutes les classes sociales et se construit au quotidien. Il n’a ni conventions ni limites. C’est la danse de la liberté.

 

Le hip hop… Les styles, par Muya Mahamat

Lieu & date : Lyon. Novembre 2006.

Durée : 03:55. © Patrick Kersalé 2007-2024.


 

La séquence pas-à-pas (d’après l’interview de Muya Mahamat. © 2007-2024).

 

00:00 - Dans le hip hop, il y a deux écoles : la danse “du debout” et la danse “au sol” (break dance). Il existe plusieurs mouvances dans la danse “du debout”.

00:13 - Le lock est une caricature de la société bourgeoise américaine. Sur le plan chorégraphique, le poignet est toujours en mouvement, mais sans contrôle et l’index pointe des objets ou des personnes. Il s’agit d’une danse joyeuse réalisée avec le sourire, tout en sautant avec des mouvements amples.

00:50 - Le pop s’inspire des soubresauts des pop-corn dans l’huile bouillante.

01:38 - Le smurf est une danse composée de ralentis, d’accélérations, de contorsions.

01:59 - Les danseurs au sol (breaker) sont dénommés b-boy (breaker-boy). Au sol, on distingue les phaser, généralement d’anciens gymnastes qui réalisent des thomas au sol, des vrilles, des acrobaties.

02:49 - Au sol, on distingue également les passeurs qui réalisent des passes avec les jambes, se contorsionnent (jambes derrière la tête, lotus…).

03:09 - On distingue ensuite les danseurs de style qui évoluent debout. La tendance actuelle est d’ailleurs au style plutôt qu’à la performance car au-delà de 25/26 ans, les danseurs ne peuvent réaliser certaines figures complexes mais peuvent en revanche continuer à danser le style.

 

Petit lexique du hip hop

b-boy : terme ancien du mouvement hip-hop désignant d’abord un danseur "breaker-boy". Par la suite, ce terme désigne tout membre du mouvement hip-hop.

beatbox ou plus exactement human beatbox : multivocalisme qui consiste en l'imitation vocale d'une boîte à rythmes, de scratchs et de nombreux autres instruments (principalement à percussion).

break dance : danse au sol. Vient de "breaking" (casser), suite de figures acrobatiques enchaînées.

capoeira : danse acrobatique originaire du Brésil ; les esclaves n’ayant pas le droit de se battre, ils simulaient les combats en dansant.

disc-jockey, dee-jee, dee-jay ou dj : d’abord animateur de radio, puis des soirées dansantes. Dans le rap, c’est un pilier qui structure un morceau, par ses "scratches" (allers et retours sur le sillon d’un vinyl), et de plus en plus par la technique du "sampling" (échantillon sonore), obtenue à l'aide d'un échantillonneur ("sampler").

freeze : improvisation basée sur un enchaînement de gestes qui achève une démonstration de "break".

hip-hop : culture issue de la rue qui met en scène plusieurs types d’expression. Il comporte un axe musical (rap), un axe graphique ("graffs", graffitis, "tags", fresques), un axe chorégraphique ("break dance", "smurf"…).

locking : manipulation exclusive des poignets.

lock-it : imitation rapide des mouvements du rire.

passe-passe : appelé aussi "foot-rock". Pour exécuter ce mouvement au sol, on fait six pas de base suivis de variations.

phase : suite de mouvements sur 8 temps.

pointing : regard du danseur appuyé par le pointage du doigt.

pop : contraction du corps, du cou jusqu’aux jambes. Sert de base au robotique, composé de mouvements saccadés à l’image d’un robot ou d’un automate.

six-step : les six pas de base utilisés pour le passe-passe.

smurf : danse d’ondulation ne comprenant pas de passage au sol, appelée plus souvent "electric boogie". Elle puise dans la richesse du mime. C’est une danse à l’origine individuelle. Le mot veut dire littéralement "schtroumpfs", les danseurs portant des gants comme les petits bonhommes bleus.

thomas : copie au sol des mouvements de gymnastique réalisés au cheval d’arçon.



Danse & musique

La relation entre danse et musique s’établit de trois manières :

  1. Les rôles de danseurs et de musiciens sont distincts ; chacun occupe son propre espace : on parle alors de « danseurs musiqués ».
  2. Les danseurs sont eux-mêmes producteurs sonores exclusifs : on les désigne sous le vocable « danseurs musiquant ».
  3. Musiciens et danseurs sont producteurs sonores : nous les désigneront sous l’appellation « danseurs musiqués & musiquant ».

Les trois chapitres suivants illustrent les points 2 et 3. Nous avons volontairement passé sous silence les danseurs purement musiqués, cette structure étant la plus usuelle à travers le monde. On pourra toutefois, dans le cadre de l’enseignement, la mettre en exergue en l’illustrant grâce aux nombreuses séquences disponibles sur ce site.

 

Danseurs musiquant avec la voix

Les danseurs peuvent animer leur danse avec leur propre voix ou avec des outils sonores. Nous utilisons sciemment « outils sonores », terminologie large, plutôt que « instruments de musique », plus restrictif, car la frontière entre « bruitage » — ou au mieux « bruitage plus ou moins rythmé » — et « musique » est quelquefois difficile à définir.

 

Lieux et dates :

. Viêt Nam : chœur responsorial des Hà Nhì. District de Muong Tè. Village de Can Hô. Février 2001.

. Indonésie – Sulawesi : chœur responsorial des Toraja. Village de Ullu Lipu. Octobre 2005.

. Indonésie – Bali : chœur de percussions vocales. Ville d’Ubud. Octobre 2005.

Durée : 02:58. © Patrick Kersalé 2001-2024.


Les séquences

 

00:00 - Viêt Nam : chœur responsorial des Hà Nhì

Ces Hà Nhì, filmés au nord du Viêt Nam, sont venus de Chine voici deux à trois siècles. La danse, structurée en deux lignes de jeunes filles et de femmes se faisant face, est exécutée lors des fêtes villageoises et sur des scènes vietnamiennes (festivals, télévision, visite de personnalités…) sur demande des autorités culturelles. Rappelons ici que le Viêt Nam est un pays socialiste exerçant un strict contrôle de la culture et des manifestations culturelles. Il influe de manière drastique tant la forme que le fond des expressions artistiques. Les Hà Nhì pratiquent diverses danses dont les chorégraphies ont été influencées par la direction culturelle du parti socialiste. Chaque “nationalité” — le pays en compte 54 — est amenée, selon le bon vouloir des autorités, à représenter sa culture lors de manifestations officielles. La musique et la danse sont en ligne de front de cette représentativité.

 

00:51 - Indonésie – Sulawesi : chœur responsorial des Toraja

Les Toraja peuplent le centre de l’île indonésienne de Sulawesi. Les funérailles des familles nobles rassemblent couramment jusqu’à deux mille personnes. Des dizaines de buffles et des centaines de porcs y sont sacrifiés puis consommés. Offrandes animales et chants de louanges vont de pair, ainsi que le décrit Dana Rappoport : « La musique sert à célébrer le défunt et à favoriser son passage vers le monde des morts puis des dieux. La vénération du défunt, dans le chant badong, est liée à la culture du riz : les ancêtres divinisés veilleront sur les vivants en favorisant les récoltes. Ainsi, de la bonne exécution des rites funéraires dépend le bien-être des vivants. Il va de soi que plus la fête est totale et démesurée, plus les chances de prospérité seront importantes pour les humains[1]. »

Les voix de badong sont organisées en antiphonie quadripartite et chantent à l’unisson. Ce chœur d’une quarantaine d’hommes est constitué de quatre meneurs, de huit brodeurs ornant l’unisson à un intervalle de seconde, d’un souffleur de lamentations et des membres du chœur. Les textes en vers sont courts, mais le chant insiste longuement sur chaque syllabe. Les textes sont métaphoriques.

Ci-après deux exemples de lamentations louangeuses de badong :

« Elle nous quitte en ce jour, ô feuille dorée, ô mère »[2].

« Regardez cet homme véritable, créé par les divinités, généré par celui qui protège »[3].

Dans cette danse minimaliste, les bras sont mus rythmiquement ; les jambes accusent de légères flexions et la ronde tourne avec une extrême lenteur dans le sens anti-horaire, ainsi qu’il est de coutume en Asie du Sud-Est pour les rituels funéraires.

 

02:08 - Indonésie – Bali : chœur de percussions vocales kecak

Le kecak se présente comme une chorégraphie multiforme parfaitement réglée, essentiellement basée sur une ou plusieurs rondes concentriques d’hommes autour d’une lampe. Pour les besoins de l’histoire (épisodes du Ramayana et du Mahabarattha), les rondes s’ouvrent parfois pour donner forme à deux ensembles de danseurs se faisant face. Les danseurs sont assis, debouts ou encore couchés. Cette forme modernisée du cak ancien est née d’une volonté politique de l’Académie Gouvernementale des Arts du gouvernement indonésien.

Les danseurs animent eux-mêmes leur danse de percussions vocales rappelant les ensembles de métallophones gamelan.

_________

[1] D’après Dana Rappoport. Livret CD “Indonésie, Toraja. Funérailles et fêtes de fécondité”, p.7. Le Chant du Monde CNRS 2741004.

[2] id.

[3] D’après Dana Rappoport. Musique rituelle des Toraja Sadan. Thèse, Paris X Nanterre p.177. 1996.

 

Danseurs musiquant avec des outils sonores

Lieux et dates :

. Viêt Nam : Hmong musiquant avec un orgue à bouche. Village de Ban Suoi Thau. Province de Lai Chau. Novembre 2005.

Chine : Sani musiquant avec luths & vièles. Shilin. Province de Yunnan. Février 2002.

Bolivie : Aymaras musiquant avec des flûtes de Pan. Ville de El Alto. 21 juin 2006.

Durée : 02:38. © Patrick Kersalé 2002-2021 sauf séquence Bolivie © Patrick Bernard-ANAKO 2002-2024.


 

Les séquences

 

00:00 - Viêt Nam : Hmong musiquant avec un orgue à bouche

Cette séquence a été tournée chez les Hmong noirs des hautes régions du nord du Viêt Nam. L’orgue à bouche est toujours accompagné d’une danse qui varie selon le contexte, la taille de l’instrument et l’âge du danseur. Il s’agit ici d’une danse pratiquée lors des moments de réjouissances. Le danseur tournoie rapidement sur lui-même une fois dans un sens, une fois dans l’autre en narrant des textes qu’il joue sur son instrument. L’instrument se situe ici comme le prolongement exact de la voix puisque le texte, chanté mentalement, est codé sous forme d’accords selon une syntaxe propre à l’orgue à bouche. La complexité du système de codage de la parole est telle, que sa maîtrise passe par un long apprentissage.

 

00:49 - Chine : Sani musiquant avec luths & vièles

Cette séquence a été tournée lors d’un rassemblement des minorités ethniques de la région de Shilin pour une grande fête de réjouissances. Cette chorégraphie des Sani, en double chaîne se faisant face, est animée par une vièle bicorde à archet prisonnier, un luth à manche long, un luth à manche court et des sifflets (non visibles ici). Le rythme à deux temps est marqué sur le plan chorégraphique par une légère flexion alternative des genoux. Un temps d’arrêt est marqué pour lever une jambe puis l’autre. Les danseuses effectuent de temps à autre des rotations sur elles-mêmes. Celles qui ne jouent pas un instrument frappent dans leurs mains.

 

01:36 - Bolivie : Aymaras musiquant avec des flûtes de Pan

Cette séquence a été tournée lors du Nouvel An Aymara célébré le 21 juin 2006 (solstice d’été), fête dénommée Willka Kuti : le Retour du Soleil. Cette musique de kantu accompagnait autrefois les marches guerrières de la garde de l'Inca (D'Harcourt 1959). Sa chorégraphie se limite à un cercle de musiciens tournant à petits pas, alternativement, dans le sens des aiguilles d'une montre, puis dans le sens opposé. On distingue 4 paires de flûtes de Pan dans un orchestre de kantu, permettant de jouer des polyphonies en quintes et quartes parallèles, qui se différencient dans l'ordre décroissant de la façon suivante : altu mamay (grand-mère), mamay (mère), iskay (deux) et chilu (aigu). Une paire se constitue d’une flûte dite pussak (qui guide) de 6 tubes et d'une paire dite kkatik (qui suit) de 7 tubes plus longs. Un orchestre est toujours accompagné par un triangle et par plusieurs wankara, grands tambours cylindriques à double membrane.

 

Danseurs musiqués & musiquant

Lieux et dates :

. Viêt Nam : Kinh musiquant avec des tasses. Village de Ngoc Mach. Mars 1999.

Viêt Nam : Tày musiquant avec des grelots. Village de Ban Hô. Province de Lao Cai. Novembre 2005.

Inde – Rajasthan : femme musiquant avec des cymbales. Ville d’Udaipur. Février 2006.

Durée : 02:20. © Patrick Kersalé 2002-2024.


Pour compléter cette présentation :

  • Morphologie / Ronde simple / Inde – Rajasthan : ronde de la danse ghoomar.
  • Morphologie / Danse en couple / Portugal : chorégraphie folklorique.
  • Jeu corporel / Hanches / Burkina Faso : danse des Gan avec ceinture de cauris.
  • Attributs & accessoires / Bâtons / Rajasthan : bâtons entrechoqués par deux danseurs + Viêt Nam : bâtons-sonnailles frappés et secoués des Tày.
  • Attributs & accessoires / Éventails / Viêt Nam : danse des éventails des Tày.

Les séquences

 

00:00 - Viêt Nam : Kinh musiquant avec des tasses

Dans cette cérémonie rituelle dédiée au génie tutélaire d’un village de la région de Hanoi, la danse est animée par deux vièles à archet prisonnier et une flûte à embouchure latérale en bambou. Les danseuses organisées en une ronde ouverte, s’accompagnent de deux paires de tasses qu’elles entrechoquent.

 

00:43 - Viêt Nam : Tày musiquant avec des grelots

Le Viêt Nam bâtit, depuis une quinzaine d’années, son folklore sur la base de ses “nationalités” (une ethnie majoritaire, les Kinh ou Việt, et officiellement 53 ethnies minoritaires). Des acteurs de la culture “officielle”, dirigés par les plus hautes autorités de l’état, sont en charge de choisir, de conseiller, voire d’imposer des manières de jouer la musique et de danser afin de créer une vitrine folklorique nationale. La télévision d’état diffuse d’une manière permanente le fruit de cette folklorisation qui, peu à peu, efface le rôle et le sens originels des formes expressives traditionnelles de chaque entité ethnique.

Cette danse chorégraphiée des Tày, produite pour des manifestations publiques (autorités, touristes, concours…), est animée par un luth bicorde à manche long (tinh tâu). Les danseuses rythment leurs pas de sonnailles composées de grappes de petits grelots.

 

01:18 - Rajasthan : femme musiquant avec des cymbales

Danse de dévotion dénommée Terah Taali originellement pratiquée par les femmes de la communauté Kamad en l'honneur du héros Baba Ramdeo. La danseuse frappe rythmiquement et avec précision de petites cymbales manjira attachés à différentes parties de son corps. La danse est animée par un chanteur qui s’accompagne d’un harmonium et par un joueur de tambour dholak. Cette forme d’expression, aujourd’hui sortie de son contexte originel, a été tournée lors d’une représentation publique destinée aux touristes.

 

La musique suit la danse

Par-delà la fixité du cadre rythmique imposé par l’orchestre, il arrive, dans certaines traditions, que les musiciens suivent les danseurs. Dans un premier temps, le ou les danseurs suivent l’orchestre selon une chorégraphie plus ou moins fixe avant que ne démarre une sorte de dialogue entre les uns et les autres. Plusieurs cas de figures se présentent (liste limitée aux exemples présentés) :

  • L’orchestre joue un continuum rythmique en attendant que le danseur (ou le danseur-directeur dans le cas d’un ensemble de participants) décide d’effectuer un geste, une série de gestes codés ou une action prévue mais non déterminée temporellement. Après le signal attendu, l’orchestre accompagne le passage chorégraphié connu ou improvisé. (exemples balinais).
  • Un musicien, par un jeu de codes rythmiques, invite le danseur à effectuer telle ou telle figure. Il suit ensuite la chorégraphie du danseur en donnant une force toute particulière à ces figures par un jeu rythmique approprié. Il en est ainsi, par exemple, dans les ensembles de percussions malinkés d’Afrique occidentale, où le solo de djembé donne une force toute particulière aux pas des danseurs.

Lieux et dates :

. Indonésie – Bali : le gamelan suit un danseur. Village de Pejeng. Octobre 2005.

. Indonésie – Bali : le gamelan suit un groupe de danseurs. Pantai Saba. Octobre 2005.

. Burkina Faso : le djembé suit une danseuse. Ville de Bobo-Dioulasso. Décembre 2002.

Durée : 03:30. © Patrick Kersalé 2002-2024.


 

Les séquences

 

00:00 - Indonésie – Bali : le gamelan suit un danseur

Le Topèng est une forme de théâtre dansé avec des masques qui s'appuie sur les chroniques historico-mythiques (Babad) des différents clans et lignages de Bali. Il est donné dans les rituels d'un certain niveau, pendant l'office des grands-prêtres Brahmana (et autres grands-prêtres pour les clans rebelles), sans attirer de public. Mais il est aussi souvent donné la nuit, comme spectacle de divertissement.

L'extrait montre la danse des serviteurs penasar qui jouent le rôle de médiateurs et de traducteurs entre le public et leurs maîtres, les personnages de la littérature sont muets (masques pleins) ou s'expriment dans les langues anciennes de la littérature que la majorité des Balinais ne comprend pas. De fait, les penasar sont les véritables metteurs en scène, en direct, de ces représentations improvisées sur des schémas traditionnels, et dont l'argument littéraire se choisit en coulisses, sans répétitions, en fonction de la communauté qui organise le rituel ou selon le type de rituel. Par l'intermédiaire des penasar, le modèle ancestral donné par la littérature est également réactualisé (avec humour) selon les événements du moment et du lieu.

Le Topèng est accompagné par un gamelan Gong entier, un grand ensemble de claviers de lames de bronze et de carillons de gongs, dirigé par un couple de tambours. Le thème musical des penasar s’appuie sur le cycle le plus court et sur une mélodie de trois notes. Le cycle du roi Dalem, beaucoup plus long, est joué plus lentement, et sa danse, raffinée, pour ne pas dire efféminée, s’effectue avec des mouvements restreints. Les penasar arrêtent d'un geste la musique pour commencer à dialoguer. Ils la relanceront pour l'arrivée du Dalem. (© Catherine Basset 2007-2024).

Bien que ce soit le tambour qui dirige, on remarquera que tous les musiciens observent avec attention les intentions du danseur afin de pouvoir réagir au plus vite et de concert.

 

00:46 - Indonésie – Bali : le gamelan suit un groupe de danseurs

La danse a lieu au milieu d'une foule en position assise, rassemblée pour des raisons rituelles. Cette position assise est justifiée par des questions de hiérarchie de pureté. Il ne s'agit absolument pas d'un spectacle. Les danses rituelles peuvent se passer sans audience, ou devant une audience qui n’y prête pas d'attention. L'attention de tous et de chacun ne doit pas être dirigée vers un point précis, mais au contraire diffuse, pour jouir de l'ensemble de tout ce qui est fait simultanément pour accomplir un rituel, ou karya, qui signifie “œuvre”.

Baris signifie “ligne” ; ce terme est particulièrement utilisé pour les formations militaires. Il existe toutes sortes de Baris — danses guerrières rituelles, dansées collectivement — qui diffèrent surtout par les armes portées et un peu par les costumes. Ces danses sont accomplies par les citoyens les plus concernés par le rituel, comme un devoir religieux et social.

La musique, interprétée au gamelan, est répétitive, sur un cycle mélodique de 8 notes et une métrique particulière des gongs qui crée une tension. Sur cette musique, la chorégraphie est fixe pour ce qui est du collectif. Elle pourrait même être jouée hors de vue des danseurs. Seul un danseur soliste pourrait, par ses initiatives, imprimer des accents syncopés à la musique, comme cela semble être le cas pendant un moment sur l'extrait choisi. (© Catherine Basset 2007-2021)

Bien que ce soient les tambours qui dirigent, on remarquera que tous les musiciens observent avec attention les intentions du danseur afin de pouvoir réagir au plus vite et de concert.

 

04:08 - Burkina Faso : le djembé suit une danseuse

Dans cette danse soliste pour le moins impressionnante, le danseur amène le joueur de djembé à souligner musicalement les temps forts de ses pas de danse. Puis, par des formules rythmiques, le djembefola soliste induit chez le danseur une nouvelle chorégraphie. Mentionnons toutefois que ces danseurs experts font parti d’ensembles amateurs ou professionnels. Ce djembefola soliste, Tahirou Djembé, est l’un des plus talentueux du Burkina Faso. Les danseurs prennent grand plaisir à danser avec un tel musicien car il souligne avec force et précision leur chorégraphie.


Morphologie

Ronde simple

Presque toutes les sociétés au mode de vie traditionnel connaissent au moins une forme de danse. La plupart en pratiquent plusieurs afin de répondre à diverses nécessités, profanes ou religieuses. La morphologie de la danse est, bien souvent, le reflet de la société qui la produit. Si l’on voulait prendre un raccourci, on pourrait dire que les sociétés collectivistes dansent en groupe et les sociétés individualistes, (il existe, bien entendu, de nombreux contre-exemples) notamment celles à fort développement technologique, pratiquent les danses individuelles ou par couple. Dans ces sociétés technologiques, les danses collectives sont le plus souvent le fruit d’une folklorisation de danses anciennes pratiquées par des groupes attachés à certaines valeurs culturelles.

La ronde peut être à la fois inclusive et exclusive : elle inclut ceux qui dansent et exclut ceux restés à l’extérieur (clan, groupe constitué, village, classe d’âge, initiés…) ; elle peut également inclure des objets (Kaaba de la Mecque) ou des personnes, vivantes ou défuntes (reconnaissance, hommage, déférence…). Dans certains cas, elle démarque symboliquement un territoire spirituel, frontière entre les entités de l’extérieur et celles de l’intérieur.

 

Lieux et dates :

. Burkina Faso : ronde des chasseurs sénoufo. Province du Kénédougou. Village de Ouolonkoto. Janvier 1999.

. Laos : ronde des Akha. Village de Ban Sop Oe. Janvier 2006.

. Inde – Rajasthan : ronde de la danse ghoomar. Ville d’Udaipur. Février 2006.

Durée : 02:17. © Patrick Kersalé 1999-2024.

Pour aller plus loin : Les maîtres du nyama.


 

Les séquences

 

00:00 - Burkina Faso : ronde des chasseurs sénoufo

Forme basique de ronde ouverte dans laquelle les danseurs évoluent individuellement les uns derrières les autres avec leur chasse-mouche — ou plus exactement “bâton de magistère” —, parfois aussi avec leur fusil. Cette danse évolue toujours dans le sens anti-horaire. Lente au début, elle va en s’accélérant jusqu’à ce qu’un chasseur, puis un autre, et ainsi de suite à tour de rôle, quitte la ronde pour effectuer quelques pas virtuoses au centre du cercle ou devant les musiciens (voir séquence dans le chapitre : Divertissement & performance). Cette danse est animée par un ou plusieurs chantres qui louangent les chasseurs présents, absents ou défunts en s’accompagnant d’une harpe-luth et par des joueurs de racle tubulaire en fer.

 

00:45 - Laos : ronde des Akha

Danse chorégraphiée pour les besoins de l’administration culturelle laotienne afin de représenter la minorité ethnique Akha lors des manifestations officielles. Au Laos, on parle désormais de “village culturel” pour désigner les villages où se pratique une activité musicale et, selon le cas, la danse. Cette ronde est toutefois exécutée par les villageois eux-mêmes lors de leurs fêtes villageoises ; elle possède la même structure et évolue dans le même sens que celle des chasseurs sénoufo ci-avant. Les danseurs sont munis de bambous qu’ils pilonnent sur le sol alternativement d’un côté puis de l’autre. Le rythme est marqué par deux petits gongs à mamelons et une paire de cymbales.

 

01:35 - Inde – Rajasthan : ronde de la danse ghoomar

Danse des Rajpoutes exécutée exclusivement par des femmes, de toutes classes d’âges, pour accueillir une nouvelle mariée au domicile de son mari. Elle se caractérise par des tournoiements en cercle et par la couverture des visages d’un voile. La danse est animée par un chanteur qui s’accompagne d’un harmonium et par un joueur de tambour dholak. Les danseuses rythment également leur danse grâce à des bracelets de chevilles composés de clochettes.

Cette séquence a été filmée lors d’une représentation donnée à l’attention de touristes.

 

Ronde autour des musiciens

On rencontre deux types de configurations d’occupation de l’espace par les danseurs et les musiciens :

  • Les musiciens jouent à l’extérieur de l’espace de danse, cas le plus fréquent (non représenté dans notre proposition thématique car trop usuel).
  • Les danseurs évoluent autour des musiciens.

Lieux et dates :

. Viêt Nam : Lô Lô autour de la vièle. Ville de Mèo Vac. Mars 1999.

. Burkina Faso : Pougouli autour du balafon. Province de la Bougouriba. Village de Bonfesso. Janvier 2006.

. Burkina Faso : Gan autour du tambour koto. Province du Poni. Village de Saagè. Décembre 1999.

Durée : 02:34. © Patrick Kersalé 1999-2024.

Pour compléter cette présentation : Attributs & accessoires Bâtons / Rajasthan : bâtons entrechoqués par deux danseurs.


 

Les séquences

 

00:00 - Viêt Nam : Lô Lô autour de la vièle

Ronde fermée des Lô Lô, exécutée lors des funérailles et animée par un joueur de vièle bicorde à archet prisonnier. Le costume de cette ethnie est l’un des plus richement décoré du Viêt Nam qui compte 53 ethnies numériquement minoritaires et une majoritaire (Kinh ou Viêt).

 

00:40 - Burkina Faso : Pougouli autour au balafon.

Danse des Pougouli (dénommée nampohi) exécutée autour du balafoniste et d’un joueur de tambour sur cadre de forme carrée (gumbe). Les danseurs portent des feuillages. Pour cette danse, exécutée sans restriction après les récoltes, les danseurs portent habituellement des sonnailles de chevilles en métal. L’organisation rapide de celle-ci en dehors de son contexte, pour les besoins de notre tournage, n’a pas laissé le temps aux danseurs de les porter.

 

01:41 - Burkina Faso : Gan autour du tambour koto

Les cérémonies de levée de deuil des Gan (appelée aussi dernières funérailles) ont lieu plusieurs mois, voire un ou deux ans (dans le cas où les moyens financiers ou les vivres manquent) après le décès, pour éloigner l’esprit du défunt de l’univers des vivants. C’est seulement à partir de ce moment que le défunt (mâle uniquement) sera considéré comme un ancêtre. Les cérémonies durent une semaine et ont lieu lorsque toutes les récoltes ont été rentrées, entre mars et mai. La famille organisatrice convie de nombreux invités, tue des animaux dont la chair est consommée, prépare le to (bouillie de mil) et la bière de mil en abondance. Les musiciens frappent l’ensemble des tambours koto, constitué de tambours coniques, dont le koto proprement dit (le plus grand), le berente et le kpegbe bie (les deux petits). La danse est exécutée autour de ces trois tambours. Les femmes portent des rameaux de feuilles vertes à défaut de queues de chevaux. Les hommes s’accompagnent de clochettes piriformes à battant externe (boyo).

 

Rondes multiples

Les rondes multiples présentées ici sont animées par des sources sonores indépendantes. Sur le plan musical, on qualifie cette configuration de “polymusique”, phénomène qui se rencontre assez communément à travers le monde et dont la caractéristique commune consiste en une production musicale non coordonnée.

 

Lieux et dates :

. Belgique : rondes multiples des Gilles. Ville de Binche. Mars 2003.

Indonésie – Sulawesi : rondes multiples des Toraja. Village d’Ullu Lipu. Octobre 2005

Durée : 03:27. © Patrick Kersalé 2003-2024.


 

Les séquences

 

00:00 - Belgique : rondes multiples des Gilles

La ville de Binche est située au sud de Bruxelles, dans la province belge du Hainaut. Chaque année, pendant les trois jours qui précèdent le carême, elle accueille un carnaval qui mobilise le centre historique de la cité et attire des foules de visiteurs étrangers. Remontant au Moyen Âge, ce célèbre carnaval est l’une des plus anciennes manifestations de ce type encore vivantes en Europe. Ce carnaval a été inscrit en 2008 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l'UNESCO.

Les festivités se déroulent en deux parties : le carnaval proprement dit et l'avant-carnaval, temps des “soumonces”. Le carnaval commence 49 jours avant Pâques et les soumonces six semaines avant les trois “jours gras”. Le carnaval atteint son apogée le jour de Mardi gras avec l’apparition des légendaires Gilles arborant des costumes rouges, jaunes et noirs, des chapeaux à plumes d’autruche, des sabots de bois, des clochettes et des masques de cire à petites lunettes.

Entraînés par les airs traditionnels joués au tambour, des danseurs exécutent divers pas, dont l’éternel favori, le pas de Gille.

Le carnaval de Binche est une véritable fête populaire, réputée pour sa spontanéité et l’engagement financier substantiel de ses participants. Les habitants de la ville en tirent une grande fierté et s’efforcent de préserver l’artisanat et les savoir-faire associés aux costumes, accessoires, danses et musiques traditionnels du carnaval.

Dans ce célèbre carnaval se juxtaposent les rondes de Gilles des diverses associations folkloriques. Certaines d’entre elles présentent comme particularité deux rondes concentriques avec, généralement, des enfants Gilles au centre de la ronde des adultes. Chaque ronde représente une entité animée par sa propre batterie de tambours, ce qui crée, par le jeu de leur juxtaposition spatiale, une polyrythmie aléatoire ou, plus généralement dit, une polymusique. Une batterie désigne un ensemble de caisses claires et de grosse(s) caisse(s) jouées par des tamboureurs. Il y en a autant que de sociétés de Gilles et donc, de rondes. Autrefois, elles étaient composées de membres d'une même famille (frères, enfants, gendres…) et comptaient environ quatre tamboureurs contre six à dix aujourd'hui. La diversité des batteries entraîne une multiplicité de jouages, certains considérés comme plus traditionnels, d’autres plus modernisés.

 

01:31 - Indonésie – Sulawesi : rondes multiples des Toraja

Pour les informations générales, se reporter au chapitre : Danseurs musiquant avec la voix.

Dans l’aire des festivités, ici environ de la taille d’un terrain de football, trois groupes indépendants de badong, venant de divers villages, chantent simultanément des textes différents, mais toutefois en rapport direct avec la vie passée du défunt, tandis qu’un maître de cérémonie, au micro, fait des annonces sur le déroulement des funérailles. Si les hommes ne sont pas toujours sensibles à ce brouhaha sonore, les divinités, elles, par leur omniscience et omniprésence, sont probablement tout ouïe.

 

Chaîne ouverte

Les chaînes ouvertes ont souvent pour objectif d’accueillir tous les participants volontaires pour danser. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : elles sont parfois issues de chaînes fermées. Ce sont les modifications du cadre social qui ont parfois permis cette mutation.

 

Lieux et dates :

. France – Bretagne : chaîne ouverte pour une gavotte. Vieux-Marché. Juillet 2002.

. France – Provence : farandole. Châteaurenard. Fête de la St Éloi. Juillet 2002.

Durée : 01:47. © Patrick Kersalé 2002-2024.


 

Les séquences

 

00:00 - France – Bretagne : chaîne ouverte pour une gavotte

Danse traditionnelle animée par un duo de chanteurs de kan ha diskan (litt. “chant et contre-chant”). Cette danse, dont il existe des dizaines de variantes, est la plus répandue en Bretagne et la plus couramment pratiquée lors les festoù-noz (pluriel de fest-noz, fêtes de nuit). Le déplacement majeur des danseurs se fait sur un plan horizontal de la droite vers la gauche.

Si nous avons classé cette danse dans la rubrique “chaîne ouverte”, mais il n’en a pas toujours été ainsi. Dans les villages bretons d’autrefois, la danse s’effectuait plutôt en ronde fermée, entre les habitants d’un même village, voire d’un même quartier. Mais aujourd’hui, dans les festoù-noz, la chaîne permet à quiconque de constituer à nouveau maillon (danseur confirmé, néophyte, touriste…). Mais on peut parfois remarquer, dans certaines fêtes, des réminiscences de cet esprit d’autrefois. En effet, certains bons danseurs, appartenant généralement à des groupes de danse, préfèrent exécuter certaines danses complexes dans le cercle fermé des danseurs confirmés. Ils réalisent alors, en marge de la chaîne ouverte, une ronde fermée animée d’une telle énergie que nul n’oserait s’aventurer à s’y insérer ! Le fest-noz a été inscrit en 2012 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l'UNESCO.

 

00:46 - France – Provence : farandole

On ne trouve le mot farandole dans aucun dictionnaire ancien. En revanche, il se rencontre dans toute la France après la Révolution. D’après Comté, farandoules serait un terme signifiant “promenade en chaîne”. Les découvertes archéologiques font remonter les danses en chaîne au berceau mésopotamien des civilisations néolithiques d’Europe Occidentale. On trouve la même technique de danse aussi bien sur les vases du cimetière de céramique d’Athènes que sur ceux du moulin de Maillac. Sur le décor d’un plat de l’oppidum du Cayla, on peut admirer, datant de la fin de l’Âge de Bronze, une chaîne de neuf personnages. Ces danses en chaîne, farandoles archaïques, existaient simultanément de la Mer Noire à l’Atlantique, de la Scandinavie à la Grèce.

Les danses en chaîne sont très populaires dans toute la Narbonnaise où le grand sénéchal de Toulon les appelle, au XVe s., les danses courantes, qui « …avaient lieu en pleine rue, en pleins champs, en se transportant, sautant et dansant d’un endroit à l’autre… Les danses currilibus et cursitantibus s’exécutaient avec légèreté en une course animée par le plaisir, avec certains pas et certains balancements, au son du hautbois, de la cornemuse et des tambourins, par des personnes se tenant par la main et serpentant entre des points donnés comme des arbres, des colonnes ou d’autres objets, au caprice de celui qui, à la tête de la chaîne, menait la bande… »

Il existe plusieurs figures classiques de la farandole : le serpent, l’escargot, les ponts, le chat et la souris, la voûte…

Dans l’exemple présenté ici, il s’agit du serpent, base de toutes les figures : le meneur entraîne la chaîne en traçant des ondulations reptiliennes.

 

Chorégraphie complexe

Par-delà les figures de bases, simples et répétitives, présentées ci-avant, on trouve des chorégraphies qui échappent à tout classement, soit parce qu’elle mélangent ces mêmes archétypes, soit parce qu’elles répondent à des nécessités esthétiques ou rituelles d'une tout autre nature. La folklorisation de danses initialement fonctionnelles a largement contribué à créer de telles chorégraphies. Les entités socioculturelles du monde entier, qu’elles soient villageoises ou étatiques, souhaitent ainsi montrer ce qu’elles considèrent comme le meilleur de leur culture, voire le plus spectaculaire.

 

Lieux et dates :

. France - Bretagne : chorégraphies folkloriques. Festival Interceltique de Lorient. Août 2003.

France - Provence : chorégraphies folkloriques. Arles. Fête de la Pegoulado. Juin 2002.

Mongolie : chorégraphies folkloriques. Ulan Bator. National Drama Theater. Août 2003.

Durée : 03:37. © Patrick Kersalé 2002-2024.


Pour compléter cette présentation :

  • Danse & musique / Rituelle / Indonésie – Bali : chœur de percussions vocales + Viêt Nam : figures au sol dans le rituel des six offrandes + Cambodge : symboles manuels des Apsaras.
  • Fonction / Divertissement / Mongolie : ballet folklorique.

 

Les séquences

 

00:00 - France – Bretagne : chorégraphies folkloriques

Originellement, la danse bretonne était endogène, confinée au niveau de l’entité villageoise, ce qui n’empêchait nullement, du point de vue d’un observateur extérieur, sa reconnaissance immédiate d’appartenance à un bassin culturel. La culture est véhiculée par les voyageurs, les mariages exogènes, les essayistes de tous poils. Le folklore est une vitrine de la culture d’un peuple. Aujourd’hui, les groupes folkloriques mélangent les sources, créent ou recréent des figures. Les festivals et les concours organisés dans toute la Bretagne stimulent les groupes à aller toujours plus avant. La Bretagne a économiquement besoin de vendre son image pour générer un tourisme national et international. Les grandes manifestations, comme le Festival Interceltique de Lorient, y contribuent pleinement.

 

00:44 - France – Provence: chorégraphies folkloriques

Ce qui vient d’être dit pour la Bretagne peut être appliqué à la Provence. Ces danses sont animées par un ensemble de galoubets (flûte à trois trous) et de tambourins. On peut y voir diverses morphologies de base : danse en couple, rondes ouvertes concentriques, lignes opposées se faisant front, quadrille.

 

02:08 - Mongolie : chorégraphies folkloriques

Magnifique ballet folklorique au service de la propagande et de l’image de la Mongolie à travers le monde. La figure au sol réalisée par les danseurs au début de la séquence est un “M”, peut-être l’initiale du pays ? On remarquera le pas équin des danseurs, suggérant le mode de transport traditionnel de ce peuple.

 

Danse en couple

Nous entendons par “en couple” un binôme constitué d'un homme et d'une femme. Toutefois, le couple peut être, accidentellement ou culturellement unisexe. Entrent dans cette catégorie les travestis, culturellement nombreux dans les danses traditionnelles de certaines régions d’Asie. La danse en couple s'organise soit par entités indépendantes, soit en une chorégraphie bâtie pour des besoins rituels ou purement esthétiques.

 

Lieux et dates :

. France – Bourgogne : valse musette. Bourgogne. Octobre 2006.

Portugal : chorégraphie folklorique. France. Carnaval de Châlon-sur-Saône. Février 2003.

France – Bretagne : chorégraphies folkloriques. France. Festival Interceltique de Lorient. Août 2003.

Durée : 02:45. © Patrick Kersalé 2002-2024.


 

Les séquences

 

00:00 - France – Bourgogne : valse musette

En Occident, les danses de salon sont pratiquées majoritairement par des couples mixtes, mais fréquemment aussi par deux femmes (plus rarement deux hommes). Dans les bals-musettes, beaucoup de types de danses sont (étaient) pratiquées : valse, java, tango, paso-doble, cha-cha-cha, rumba…

Typiquement française, la valse musette est associée aux bals populaires d'antan. Le bal dit “musette” (du nom de la cornemuse qui l’animait initialement) naquit au XVIIIe s. Ce n'est qu’à partir du début XXe s., âge d'or de ce type de bal, que la musette a laissé place à l'accordéon ; l’appellation originelle de “bal musette” a quant à elle perduré.

La valse musette n'a pas beaucoup évolué. De style très compact, privilégiant la rotation au déplacement, elle est la plus adaptée de toutes les formes de valses aux dancings qui ont eu pour habitude de concentrer un maximum de gens dans un minimum d’espace. Cette manière de valser a pris forme dans les bals-musettes parisiens des années 1930. Du fait de l'exiguïté des pistes de danses — qui étaient parfois organisées dans des arrière-boutiques de marchands de vin —, les couples valsaient serrés et ne se déplaçaient pas beaucoup sur la piste jusqu'au point de faire du sur-place. Les meilleurs ne s’enorgueillissaient-ils pas de pouvoir danser rapidement sur une table ? La valse musette comporte peu de figures : tour à droite, tour à gauche, pas de change, toupie, renversé. De nos jours, on la danse un peu partout en France, mais plus traditionnellement aux bals du 14 juillet, dans les soirées guinguettes, les mariages et les thés dansants.

 

01:01 - Portugal : chorégraphie folklorique

Danse collective par couple, chorégraphiée, pratiquée au nord du Portugal, dans la région de Porto. On remarquera que les danseurs sont à la fois musiqués et musiquant, s’accompagnant de castagnettes.

 

01:50 - France – Bretagne: chorégraphies folkloriques

Pour des besoins esthétiques, les groupes de danses bretonnes ont savamment chorégraphié les danses en couple. Dans ce défilé de la grande parade du Festival Interceltique de Lorient, l’orchestre apparaissant à l’image est un bagad composé de trois pupitres : binioù braz (cornemuse écossaise), bombardes et percussions (caisses claires écossaises, grosse caisse).

 

Danse sociale individualisée

Ce chapitre traite de la danse individuelle dansée en communauté et non de danseurs isolés. Dans ce cas de figure, chacun peut, a priori, donner libre cours à son imagination pour réaliser sa chorégraphie, à moins qu'elle ne soit, dans sa simplicité apparente, dictée par la tradition.

 

Lieux et dates :

. Burkina Faso : danse de l’esprit Brikono. Province du Poni. Décembre 1999.

Burkina Faso : danse de réjouissances des Sénoufo. Province du Kénédougou. Village de Ouolonkoto. Janvier 1999.

Burkina Faso : danse de réjouissances des Dyan. Province de la Bougouriba. Village de Ouan. Janvier 2003.

Durée : 03:10. © Patrick Kersalé 2002-2024.


 

Les séquences

 

00:00 - Burkina Faso : danse de l’esprit Brikono

Danse exécutée lors d’un rituel propitiatoire nocturne (ici réalisé en conditions réelles en plein jour pour les besoins du tournage) célébré en janvier de chaque année en l’honneur d’un esprit bisexué nommé Brikono. Elle est animée par un ensemble orchestral composé du tambour en forme de sablier kãgõgo (prononcer kangongo), des tambours coniques kpegbe bie et berente, du tambour cylindrique pɑ̃ɑgɑ (panga), de la bicloche en fer dato, d’un hochet en calebasse à percuteurs internes tegire et surtout de l’instrument dénommé sɩ̃ minise (sin minise) signifiant littéralement “tambour de l’esprit”. Il s’agit d’une large demi-calebasse de 40 à 50 cm de diamètre posée à même le sol et frappée à mains nues (on la voit sur le premier plan d’orchestre, au fond).

Les Gan pratiquent divers types de danses, mais celle-ci est particulière à cet esprit : le corps est penché vers l’avant et les deux bras montent et descendent simultanément au rythme de la musique. Certains danseurs adoptent toutefois un style plus personnel.

 

00:51 - Burkina Faso : danse de réjouissances des Sénoufo

Cette danse des Sénoufo a été filmée le jour de la fin du Ramadan. Elle est animée par deux balafons sur cadre avec résonateurs en calebasse et deux tambours sphériques en calebasse munis de sonnailles métalliques composées de fines plaques de fer sur le pourtour desquelles sont enfilés des anneaux métalliques. Enfants et adultes, chacun de leur côté, dansent de manière individuelle, sans aucune coordination.

 

02:04 - Burkina Faso : danse de réjouissances des Dyan

Cette danse des Dyan a été filmée le jour du Nouvel An. Il s'en dégage une exultation naturelle, habituelle dans ce genre d’événement, mais toutefois renforcée ici par la présence de notre caméra. La chorégraphie individuelle est libre, sans élaboration particulière. Elle est animée par un grand tambour conique et un tambour en forme de sablier.